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Interlude de littérature

18 avril 2024

Anne Berest, La Carte postale

Lecteur , mon semblable , mon frère, désireux de s'instruire

Quand vous étudiez  un roman, un poème, une pièce de théâtre vous devez vous poser des questions: qui parle? de quoi parle-t-il ? dans quel but? quels effets veut produire l'auteur sur son lecteur? quels procédés littéraires utilise-t-il pour construire le sens(champ lexical, types de phrase, ponctuation, figures...)?

Espérez vous, comme moi, écrire un jour?   Eh bien l'écrivain, lui, doit puiser la matière de ses créations dans les trésors de sa vie. Il faut qu'il ait beaucoup vécu, entendu, vu ,retenu en lui-même. L'écrivain doit avoir une connaissance approfondie du monde extérieur et du monde intérieur de l'homme (les passions de l'âme et du coeur humain). Le thème choisi par l'écrivain doit non seulement l'émouvoir mais doit aussi avoir été médité avec étendue et profondeur dans tout ce qu'il y a d'essentiel et de vrai, car sans réflexion , l'homme ne porte pas à la conscience ce qu'il renferme en lui. La matière de son oeuvre doit être mûrement étudiée sur toutes ses faces, longtemps et profondément. D'une imagination légère ne peut sortir une oeuvre construite et solide      . (Hegel, L'esthétique )

Anne Berest née en 1979 à Paris, est une romancière et scénariste française. La Carte postale , publié  en 2021 a eu le Grand prix des lectrices ELLE. 

Rappel

Hitler, homme d'extrême droite, créateur du nazisme( une doctrine raciste et antisémite) ,  arrive au pouvoir en 1933 et met en place un état totalitaire et antisémite. Sa politique agressive déclenche la deuxième guerre mondiale en 1939. Son objectif est d' anéantir la race juive.

Dans la Seconde Guerre mondiale( 1939- mai 1945)  se confrontent deux camps: l'Axe (Allemagne, Italie, Japon) et les Alliés (France, Royaume- Uni, Etats Unis, Russie). 

Les Alliés se battent pour la liberté et la démocratie contre les dictatures de l'Axe qui sont militaristes. A l'opposé , la propagande nazie utilise les thèmes de l'idéologie nazie: le nationalisme, l'anticommunisme, le racisme et l'antisémitisme.

Cette guerre  est une guerre d'anéantissement(elle se solde avec 60 millions de morts), c'est une guerre d'extermination (les génocides juif et tsigane, 6 millions de Juifs et 250 000 Tsiganes). Le génocide est la destruction programmée de tout un peuple. Les moyens d'extermination: ghettos (quartiers où sont isolés les Juifs); fusillade de masse des Juifs; camps de concentrations ou d'enfermement des individus jugés dangereux par les nazis comme les communistes, les socialistes, les Juifs); camps d'extermination comme celui d'Auschwitz( destinés à exterminer les Juifs( la Shoah), tsiganes, handicapés, homosexuels). 

   Résumé

Fruit d'une enquête menée collaborativement avec sa mère Lélia Picabia à partir d'une énigmatique carte postale, ce récit intime et familial reconstitue l'histoire de ses aïeux morts en déportation à Auschwitz. 

Une carte postale anonyme arrive dans la boîte aux lettres des parents d'Anne Berest le 6 janvier 2003. Cette carte qui représente l'Opéra Garnier ne contient que les prénoms de ses grands-parents, de sa tante et de son oncle, morts à Auschwitz en 1942 Ephraïm, Emme, Noémie et Jacques. Seize ans  plus tard, en 2019, Anne Berest part à la recherche de la personne qui leur a envoyé cette carte postale. Après 2 ans de recherche, elle va la trouver, par hasard.

 Emma et Ephraïm Rabinovitch ont eu 3 enfants : Myriam, Noémie et Jacques. Seule Myriam échappe à la déportation. Elle a, de son premier mariage, une fille Lélia. C'est la mère d'Anne Berest, l'auteur de ce livre. 

Le roman est composé de 4 livres : Livre I (31 chapitres), Livre II (13 chapitres), Livre III, Livre IV (43 chapitres) .Livre I s'intitule Terres promises, Livre II, Souvenirs d'un enfant juif sans synagogue, Livre III, Les prénoms, Livre IV , Myriam.  Dans le Livre I , Anne Berest raconte l'histoire de ses arrières grands parents Emme et Ephraïm , dans le Livre II, sa propre histoire et dans le Livre IV, l'histoire de Myriam , la rescapée.

***

Les 6 générations : Nachman  père d'Ephraïm  /  Emma et EphraïmMyriam, Jacques NoémieLélia fille de Myriam /  Anne Berest fille de Lélia / Clara la fille d'Anne Berest 

Livre I (Terres promises )

En 1919, Ephraïm vit avec ses parents en    RUSSIE .   Il a 25 ans, il aime Anna, sa cousine et aimerait l'épouser. Les parents s'y opposent et lui trouvent une autre fille,  Emma dont la famille vit en Pologne.  . Il l'épouse et leur premier enfant est Myriam. Nachman, le père de Ephraïm se souvient " que certaines nuits de Noël, des hommes avinés venaient punir le peuple juif: ils entraient dans les maisons, violaient les femmes, tuaient les hommes. "Il sent que cette haine contre les Juifs revient. Ephraïm fait partie des Mencheviks et les Bolcheviques ont commencé à les éliminer.

Alors, Ephraïm s'exile avec sa famille en    LETTONIE     où il se lance dans le commerce du caviar. En 1923 naît Noémie et puis , Ephraïm fait faillite ,alors il emmène  sa famille  en    PALESTINE   chez son père Nachman. Là, en 1925 naît Jacques , mais les affaires ne vont pas bien et Ephraïm décide de partir à  PARIS  chez son frère Emmanuel. Emmanuel est acteur et travaille avec Jean Renoir. En 1929, ils sont à Paris, bien installés, dans une belle maison, les filles étudient au lycée Fénelon et sont d' excellentes élèves. 

En 1933 Jacques entre à l'école et" les collègues se moquent de lui parce qu'il est Juif."  Cette année le parti de Hitler arrive au pouvoir. Ephraïm suit de près l'ascension de Léon Blum, Juif et homme politique important et lit un effrayant pamphlet antisémite de Céline. Ephraïm demande la nationalité française et on la lui refuse. Il achète alors , en 1938, une maison à la campagne, aux     FORGES.     Son père Nachman lui rend visite et travaille dans le jardin avec Jacques qui tombe amoureux de ce magnifique grand père. Nachman "dit que pour éduquer un enfant il faut tenir compte de son caractère . Jacques n'aime pas apprendre à l'école. Pour apprendre , il a besoin de comprendre l'intérêt immédiat de ce qu'il est en train de faire."

En 1938, il y a beaucoup de réfugiés qui arrivent d' Allemagne, à Paris. Anna ( la fille qu' Ephraïm aurait voulu épouser et qu'il aime encore) et son fils s'y arrêtent pour prendre l'avion vers les Etats -Unis. Elle cherche Ephraïm, le rencontre et lui conseille d'émigrer en Amérique avec sa famille. Malheureusement, il ne croit pas ses paroles. Partir à 45 ans pour repartir à zéro? Non! 

En mars 1939 l' Allemagne envahit la Tchécoslovaquie. La guerre démarre ! Inquiet, Nachman propose à tous ses enfants (Ephraïm, Emmanuel, Boris..)  de venir vivre en Palestine. En septembre 1939, la France entre en guerre et les Rabinovitch restent à la campagne, à   FORGES. 

Les Allemands envahissent la Pologne et la famille de Emma, à Lodz, doit laisser  leur maison aux envahisseurs. Les Juifs sont enfermés dans des ghettos. En France, à partir de 1940, il y a des tickets de rationnement pour les courses. Pourquoi les Rabinovitch n'ont pas réagi plus tôt?  La loi de 3 octobre 1940 interdit aux Juifs les métiers publics ou du spectacle;  les livres des Juifs sont retirés de la vente. 

Les Rabonovitch vont se déclarer à la Préfecture; Emmanuel refuse de le faire. Les Juifs doivent céder leurs entreprises à des gérants français et Ephraïm cède la sienne avec ses brevets et inventions. 

Myriam a la chance de connaître Vicente. "Il fut un enfant non désiré qui arriva par hasard quand ses parents décidèrent de se séparer. Il grandit sans tendresse. Quand il rentrait du pensionnat il retrouvait un monde d'adultes à la vie trop libre et cela finit par le détraquer." Il a 20 ans, il  n'a pas de diplômes et veut devenir poète. Alors il cherche un étudiant pour apprendre la grammaire et trouve Myriam. Il s'intéresse à elle et l'épouse. Ils se marient le 15 novembre 1941 à la mairie de   FORGES. Myriam est rayée de la liste des Juifs.

A la fin de 1941 les Juifs n'ont plus le droit de s'éloigner de chez eux, ni de déménager. A partir du 7 juin  1942 le port de l'étoile jaune est obligatoire  dès l'âge de 6 ans. L'étoile jaune est un dispositif de discrimination et de marquage imposé par l'Allemagne nazie aux Juifs résidant dans les zones conquises, au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Myriam et Vicente habitent à Paris et vont dans des cafés. Un soir de juillet Myriam est arrêtée , emprisonnée , le lendemain un policier la conduit à la gare et lui donne l'argent pour rentrer chez ses parents aux FORGES .    C'est le 13 juillet 1942, les Rabinovitch soupent ,  tous les 5 joyeux, dans le jardin,  deux voitures s'arrêtent à leur portail.  Trois militaires allemands et deux gendarmes français sont venus prendre Jacques et Noémie: ils vont travailler en Allemagne. 

Pourquoi arrêter des enfants? "Le projet du Troisième Reich était d'exterminer les Juifs, mais ils ont procédé par étapes. D'abord ils ont déporté les Juifs dans la force de l'âge , les hommes forts. On a fait croire qu'on les faisait travailler quelque part. Et puis on a arrêté des jeunes comme Jacques et Noémie, puis tout le monde y est passé,  même les enfants. Le 7 juillet 1942 les représentants des Allemands ont rencontré des Français et ont exposé ce projet que les Français devaient exécuter. Les arrestations devaient se faire le jour même: le 13 juillet 1942. "

Myriam, la nuit de 13 juillet,  quitte   Paris à vélo pour rejoindre son mari, Vicente. Il est à la maison avec sa mère Gabrielle et sa soeur Jeanine. Elles ont décidé de partir le lendemain, en voiture, vers la France libre pour mettre Myriam à l'abri. Elles arrivent au château de Villeneuve sur Lot où elles laissent Myriam. 

Jacques et Noémie , eux , voyagent de   FORGES  à Evreux et arrivent le 17 juillet au camp d'internement de Pithiviers, lieu de transit, d'où ils partent à AUSCHWITZ . Là , Jacques est gazé le jour de leur arrivée et Noémie meurt du typhus quelques semaines plus tard. 

Ephraïm et Emma sont arrêtés le 8 octobre 1942 . Une voiture les emmène à Gaillon en prison, de là au camp de Drancy . En novembre 1942 ils sont embarqués dans la gare du Bourget ,passent la nuit dans le train et sont gazés, dès leur arrivée à      AUSCHWITZ.

 

Livre II (Souvenirs d'un enfant juif sans synagogue : Anne Berest)

Clara , la fillette d' Anne veut battre un garçon lors de son cours de judo car dit-elle , "on n'aime pas les Juifs à l'école." Cette phrase détermine  Anne à  se lancer à la recherche de la personne qui avait envoyé la carte postale à sa mère, Lelia. Anne va chez sa mère pour récupérer la carte. Et puis elle en parle à son ami Georges , juif qui la conseille d'aller consulter un détective. " Anne et Georges sont séparés de leur mari et femme et se connaissent depuis quelques mois. Georges est juif pratiquant alors que Anne ne connaît rien au judaïsme ni le sabbat, ni Pessah ni Kippour. Ses parents lui ont appris que la religion était un fléau à combattre. Et pourtant le mot juif scande son enfance. En 1998 Anne échoue au concours de l'Ecole Normale, aime un homme, a un enfant et commence à écrire."

Anne trouve un détective et lui montre la carte postale. Elle a été envoyée en 2003 à l'adresse de Lélia mais adressée à M. Bouveris.  Myriam a été mariée à un monsieur Vicente Picabia avec qui elle a eu Lélia et puis à un autre monsieur BouverisMyriam habitait au sud de la France ; elle    est morte en 1995, 8 ans avant l'envoi de la carte. Le détective ne peut pas l'aider. 

Anne revient chez sa mère Lélia et lui demande pourquoi  elle n'a  pas cherché l'expéditeur de cette carte en 2003, quand elle l'avait reçue  Eh bien,  elle avait déposé son dossier à la commission Mattéoli. La commission Mattéoli est la mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France pendant la guerre. Alain Juppé, alors Premier ministre a défini les contours de cette mission. Il s'agissait d'indemniser les victimes de tous leurs biens ( appartements, sociétés, voitures, meubles, argent liquide..).  Lélia avait été convoquée en 2003 , au moment de l'arrivée de cette carte, qu'elle a interprétée comme une menace.

Anne a un plan d'enquête: les lettres anonymes étant envoyées par des proches (parents, amis, voisins) elle s'interroge , d'abord sur les amis car leurs parents sont tous morts. La seule amie de Myriam et Noémie est Colette. Elle est morte en 2005 et avait écrit une lettre à Lélia avant de mourir. Lélia retrouve cette lettre . Après la guerre , Colette se sent coupable de ne pas avoir caché ses amis Jacques et Noémie dans sa maison. Cette carte pourrait être de Colette. Anne croit  avoir trouvé l'auteur de la carte: Colette. Elle s'adresse à un criminologue auquel elle envoie la lettre de Colette et la photocopie de la carte.

En attendant la réponse Anne rencontre son copain Gerard Rambert, juif qui lui "dit qu'en 1956 , au Festival de Cannes , le film Nuit et brouillard d'Alain Resnais avait été sélectionné pour la Palme d'or et retiré à la demande du ministre des Affaires étrangères d'Allemagne de l'Ouest au nom de la réconciliation franco-allemande. Il se rappelle aussi d'une fête organisée par sa mère, lorsqu'il était enfant. Il avait observé que tous les Juifs avaient un nombre tatoué sur leur bras." 

Le criminologue compare les écritures et conclut que l'auteur n'est pas Colette. Cette conclusion  déçoit Anne mais Georges l'encourage à persévérer dans ses recherches pour finir son livre.

L' étape suivante du plan: chercher l'auteur parmi les voisins. Anne et Lélia vont à  FORGES  "Les Rabinovitch ont quitté leur maison en 1942. Lélia avait récupéré pour son dossier devant la commission Mattéoli des lettres écrites par le maire de Forges à la Préfecture pour savoir quoi faire avec les biens des Rabinovitch: les deux porcs et les arbres fruitiers. On l' a autorisé à vendre les porcs et à verser l'argent à l'administration provisoire. En 1955 Myriam a vendu la maison de ses parents. En 1974 Lélia est allée  voir  cette maison et a récupéré une malle avec quelques objets ayant appartenu aux Rabinovitch." 

Anne et Lélia arrivent  à Forges sous la pluie. Elles frappent  à plusieurs portes des voisins des Rabinovitch pour leur demander des informations sur eux. Les voisins se rappellent que Emma jouait du piano, que Jacques et Noémie , quand la police les a cherchés, sont partis en chantant la Marseillaise. Une façon de narguer leurs assassins! Et puis elles apprennent que l'instituteur du village qui avait  aidé beaucoup de gens a été dénoncé, arrêté et tué. Forges a été marqué par  l'histoire de Roberte Lambal, une vieille veuve . Elle avait accueilli des résistants,  puis elle avait été dénoncée et pendue. 

Ensuite Anne et Lélia vont à la mairie et demandent la photocopie de l'acte de mariage de Myriam de 1941. Le jeune maire ne le trouve pas et ne peut les aider, en rien. 

Livre III (Les prénoms)

Anne écrit à sa soeur  Claire qui est écrivain, elle aussi pour lui parler de leurs seconds prénoms. 

Daniel Mendelshon (écrivain américain né en 1960 ) écrit dans Les disparus (roman enquête qui décrit la recherche des traces laissées par une famille de Juifs "tuée par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale) : "Comme de nombreux athées je compense par la superstition et je crois au pouvoir des prénoms." Anne apprend qu' elle et sa soeur Claire ont aussi deux  prénoms cachés: elle,  Myriam et Claire, Noémie.  Elle essaie de déduire des choses de cette histoire des prénoms. Anne trouve qu'elle est celle qui part comme Myriam dans l'idée de sauver sa peau. Claire , à 6 ans disait qu'elle était la réincarnation de Noémie parce qu'elle avait les yeux bleus comme elle et les mêmes cheveux tressés. Noémie voulait être écrivain et Claire le devient réellement.

Livre IV (Myriam)

    Lélia ne savait rien sur sa mère Myriam. Elle fait des recherches et reconstitue la  période 1942-1995, de sa vie.

En août 1942 Gabrielle et Janine avaient laissé Myriam au château de Villeneuve-sur-Lot . Deux semaines plus tard Vicente, son mari , la rejoint et tous les deux continuent leur chemin vers Marseille où ils restent  3 semaines. En novembre 1942 les Allemands envahissent la zone libre, dont Marseille. Vicente et Janine, sa soeur  repartent à Paris et laissent Myriam dans une auberge de jeunesse, située  au-dessus d'Apt . 

Giono avait fait paraître en 1930 le roman Regain qui connut un grand succès et provoqua  le  mouvement "le retour à la nature" et la création des auberges de jeunesse. François Morénas l' un des fondateurs des auberges de jeunesse , contraint de fermer son auberge, Regain, ouvre clandestinement, une auberge dans le pays d'Apt. Myriam attend là, déprimée.  Janine et Vicente y reviennent .

Janine est infirmière à la Croix Rouge et travaille pour la Résistance . Elle est repérée par SIS (service de renseignements de l'armée des Etats- Unis) . Elle crée avec Jacques Legrand un réseau de renseignements maritimes: Gloria SMH dont Samuel Beckett  fait partie. Janine  recrute son frère Vicente et sa mère Gabriele.

Une mission de Janine ne s'était pas passée comme prévu. L'abbé Alesch ( agent double ) a vendu le réseau. Elle doit quitter l'auberge qui  est surveillée . Myriam  et Vicente doivent partir aussi. François Morénas les conduit dans une auberge , située plus haut ( "la Maison du pendu" chez madame Chabaud).  

Ils y passent quelques jours et puis Vicente veut rentrer à Paris pour chercher des draps et d'autres affaires. Il y arrive, passe voir sa mère qui lui donne de l'argent. Elle travaille pour un autre réseau. Vicente va dans un bordel "chez Léa" . Francis, son père l'y avait emmené à 15 ans, et lui avait appris à fumer de l'opium. Quel père! Vicente y trouve ce qu'il cherchait: un extase doré. Quand ça finit, il n'a plus d'argent et pas envie de revenir au village. Myriam passe la Noël avec la famille de madame Chabaud. 

Myriam est réveillée en pleine nuit. Ce n'est pas Vicente mais un homme de la part de Vicente qui  se trouve en prison. Elle doit, accompagnée par cet homme, rentrer à Paris. Il la laisse chez la femme d'un détenu.  

Cet homme s'appelle Jean Sidoine ; il est résistant et reçoit de petites missions de   René Char, chef d'une armée secrète . C'est l'armée secrète constituée par Jean Moulin sous les ordres de général de Gaule.

Myriam dort chez cette femme et le lendemain elles vont à la prison. Vicente lui raconte qu' à un contrôle, on  a trouvé les draps dans sa valise ,  on l'a accusé de faire du marché noir et on l'a envoyé en prison pour 4 mois. 

Myriam revient dans son auberge. Jean Sidoine lui donne une mission: écouter le bulletin de la BBC chaque soir et noter tout. Un matin elle voit un renard à sa porte et se rappelle  l'oncle Boris qui se maintenait jeune grâce à une  science qu'il tenait de Sebastian Kneipp (auteur du livre C'est ainsi qu'il vous faut vivre). Le printemps arrive et Vicente sort du prison le 25 avril 1943.

Il arrive à la cabane accompagné de Jean Sidoine et de son cousin Yves Bouveris. Myriam et Vicente doivent héberger Yves.  Les deux garçons deviennent très amis; ils rient beaucoup et sont toujours ensemble. Vicente achète un livre de Pierre Loti : Mon frère Yves, publié en 1883. Ils le lisent le soir à haute voix. Yves connaît les noms de plantes, des animaux, des pierres de la région. Vicente est un être de surface mais impossible à sonder. Yves est fait d'un seul bloc et d'une seule matière. Au mois de juillet il fait très chaud et ils se baignent tous les 3  nus dans la rivière. Au retour, vers la maison Myriam attrape les 2 garçons par le bras; Yves est troublé. Une relation ambiguë se lie entre eux. Myriam veut rentrer à Paris, le lendemain . 

Le débarquement a lieu le 25 août 1944. Vicente écoute le discours du général de Gaulle et puis il va au bordel "Chez Léa". Le 21 décembre 1944 naît Lélia, et Janine tient la main à Myriam. 

Janine après avoir été dénoncée ,a traversé les Pyrénées pour se cacher en Espagne. De là elle est partie en Angleterre pour rejoindre la section femmes des " Forces françaises libres". Janine avait un petit garçon et proposa à Vicente de prendre en charge Lélia, délaissée par sa mère . 

Au début du mois d'avril 1945 le ministère des Prisonniers de guerre, Déportés et Réfugiés organise le retour de ces hommes et femmes et l'hôtel Lutetia met ses chambre à leur disposition. Myriam va tous les jours à cet hôtel pour chercher  sa famille. Le rapatriement des déportés étant terminé, l'hôtel ferme. Myriam part en Allemagne pour continuer la recherche  des siens. Elle  abandonne  sa fille Lélia. Vicente meurt en 1947 , drogué et Lélia est envoyée à Cereste dans la famille d' Yves Bouveris.

Après 2 ans passés en Allemagne , Myriam rentre en France et Yves prend la place de Vicente, décédé et l'encourage à passer le concours pour devenir professeur. Lélia sera installée chez la veuve Henriette . Cereste devient son village. Un jour  en 1950 à l'école on la traite de sale juive. Myriam avait été traitée de   sale juive en 1925 et Clara en 2019. Quelque chose se répète, dans l'histoire des Juifs. 

Anne et Georges (son ami) vont ensemble à Cereste et rendent visite à une femme Juliette qui avait connu et soigné  Myriam ( malade d'Alzheimer). Elle raconte qu' à la fin de sa vie Myriam perdait la tête. Georges lui montre la carte postale. Juliette la reconnaît. C'est elle qui l'avait postée. Myriam l'avait écrite avant de mourir et lui avait demandé  de la lui envoyer  quand elle irait vivre chez sa fille Lélia, à Paris. Mais Myriam n'est jamais allée à Paris, elle est morte à Cereste en 1995 et Juliette rangea la carte, dans ses affaires. En 2002 elle passa les fêtes de Noël à Paris et puis elle posta cette carte , début  janvier 2003, à la poste du Louvre. 

Myriam a voulu s'envoyer cette carte à elle même, à Paris,  car au cas où elle perdrait la mémoire ,la carte lui rappellerait les noms de ses parents morts à     AUSCHWITZ.    "Autrement  il n'y aura plus personne pour se souvenir qu'ils ont existé!"

Bref lecteur,  dans ce livre, Anne Berest donne vie à ses ancêtres maternels morts à Auschwitz et reconstitue leur tragique destin. L'auteur , Juive non pratiquante, livre une profonde réflexion sur ce que signifie être Juif  , les différentes façons de le vivre à travers les époques, le poids de cet héritage à l'heure ,où le sujet est d'une troublante actualité. 

Références culturelles relevées du livre: Jean Renoir ( cinéaste); Céline antisémite; la commission Mattéoli; Giono (Regain) ; François Morénas , fondateur des auberges de jeunesse; René Char  poète et résistant; Sébastian Kneipp (C'est ainsi qu'il faut vivre) ; Pierre Loti ( Mon frère Yves )

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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2 avril 2024

Sandrine Collette, On était des loups

Lecteur,   Qu'est-ce que c'est qu' aimer son enfant? C'est être présent pour lui ( The best present is to be present!) et l'aider à développer ses dimensions: physique, cognitive (son intelligence), affective, morale.   

Qu'est-ce que c'est que s'aimer soi-même? C'est continuer ce travail commencé par les parents, pour devenir meilleur. Qu'est-ce que c'est qu'aimer son partenaire, son ami? C'est apprendre ensemble pour devenir meilleurs, c'est-à-dire s'humaniser.

Car on ne naît pas homme, on le devient par éducation et instruction. (Erasme)

Sandrine Collette est une écrivaine française née en 1970. Elle a fait un master en philosophie, un doctorat en sciences politiques et ses références littéraires vont de Luis Sepulveda à Marguerite  Duras ou Pablo Coelho. 

On était des loups, publié en 2022 se présente comme un  conte sombre et d'une rare humanité, sur le deuil et le refus de la paternité.   

Rappel 

Le conte est un récit qui commence souvent par la formule "il était une fois". Le lieu et le temps de l'histoire sont indéterminés et les personnages, peu caractérisés. L'histoire se déroule  selon le schéma narratif:  situation initiale( le héros a un projet, un but) , élément perturbateur( qui déclenche l'action),  péripéties( épreuves que doit surmonter le héros),  solution( le bout de sa quête) , situation finale( retour à l' équilibre). Le héros vit des expériences et fait des rencontres qui lui permettront d'évoluer, de grandir. Il y a des éléments merveilleux (fées, ogres, baguettes magiques..) et on peut en tirer une leçon de vie. 

Résumé 

*** situation initiale

*Il était une fois un jeune homme. Il s'appelait Liam. Il n' était pas beaucoup allé  à l'école et n'était pas éduqué. C'était la faute de ses parents qui avaient besoin de lui et de ses frères et soeurs à la ferme. Il avait grandi" à la trique et à l'alcool "et à 16 ans il est parti travailler comme bûcheron , à 20 ans il s'est acheté un terrain, à la montagne, loin de la ville. Il avait là-bas, quelques voisins: Sue et Eddie, Mike et Helen, Josh et Anna et Henry seul, à 3h ou 4h de chez lui. Henry possédait un petit avion pour aller en ville. 

*Il y vivait  de la chasse.  Ce métier était le mieux pour lui, car tout petit , il "ne faisait pas confiance aux gens." Ils lui rappelaient ses parents qui "gueulaient et cognaient sec "et ses voisins qui ne disaient rien comme si c'était normal. Le vieil Henry, son voisin, était une exception. C'était un gars "comme il faudrait que la terre soit peuplé". Quand Liam était arrivé à la montagne, Henry l'avait pris sous son aile et il l'avait aidé. 

*En allant, avec Henry ,en ville pour faire des provisions , Liam avait connu Ara et il l'avait épousée par amour. Il était content d'avoir sa femme car la vie à deux semblait moins dure.  Ils " se partageaient le travail et les projets. Il ne savait pas très bien le dire , mais il le sentait au fond de son coeur." 

*Ara voulut un enfant. Liam, lui  ne voulait pas d'enfant dans ces conditions dures. " Ce gosse va être là alors qu'il n'a rien demandé. Peut être qu'il n'aimerait pas la montagne, cet univers gigantesque et sauvage. Est-ce qu'on pouvait l'emmener dans cette aventure et lui imposer cette vie?" Finalement, ils eurent un garçon, Aru.

A sa naissance, Liam pensait "qu'il fallait lui taper la tête contre le mur , pas pour lui faire mal, mais pour lui éviter cette vie d' après qui serait trop rude." Ava voulait le baptiser dans un joli  lac, mais Liam ne trouva pas le temps pour y aller.

Cinq ans s'écoulèrent sans que Liam ait envie "de bâtir quelque chose avec son enfant: il l'aimait de loin". Et pourtant quand Aru le voyait revenir de la chasse, il criait de joie et cela, Liam le "percevait dans sa poitrine "et "c'était gigantesque". C'était  une émotion qu'il n'arrivait pas à retenir, l'émotion de voir que l'enfant l'attendait. Et le bonheur qu'il y avait sur son visage était immense. C'étaient les seuls moments que le père et le fils passaient ensemble. 

***élément perturbateur

Sa vie se résumait à la chasse, Ava et Aru.

Un jour, un loup était venu tourner autour de ses bêtes  (chèvres, poules, chevaux) et Liam prit son cheval et le suivit; il voulait lui mettre un coup de pression pour qu'il reparte vers le haut de la montagne. Le soir devant le feu , il regardait les étoiles, ces petites fleurs argentées et écoutait ce loup  "chanter" . Sa voix lui donnait "des frissons, ça lui faisait drôle dans le coeur, il avait l'impression que ça lui vibrait à l'intérieur". A l'aube , Liam tira 3 balles, pour faire peur au loup et puis il  repartit vers la maison où il trouva Ava allongée dans l'herbe, pleine de sang, son corps déchiré par des griffes d'ours et Aru à ses côtés, vivant.

Liam hurla et ce fut "un éclair dans sa tête, un tremblement de terre à l'intérieur de lui" , la moitié de son monde  s' était écroulé.  "Et c'était comme si le paysage s'était obscurci autour de lui; la montagne était teintée d'un voile noir. Chaque geste, chaque regard le transperçait de douleur. " 

La colère, le chagrin , la peur l'envahirent et une question : quoi faire avec l'enfant?

*** les péripéties ou épreuves

Il ne pouvait pas le garder car il ne pouvait pas le traîner avec lui dans la montagne. Il s'était mis en tête de se débarrasser du gosse, de le laisser chez son oncle en ville. 

Le lendemain il se prépara pour le voyage: les chevaux, les sacs et ils partirent voir *l'oncle et la tante qui vivaient à la ville. Ils arrivèrent, après 6 jours , soupèrent, Aru se coucha et Liam expliqua la situation. L'oncle dit : non! Ce gosse avait un père et c'était la seule chose qui comptait! 

A l'aube, ils repartirent, sans dire au revoir, vers le lac où  Ava voulait baptiser l'enfant.  Liam fut de mauvaise humeur toute la journée et prit mal le silence d'Aru ,il le gronda sans raison. On voyait dans les yeux du petit la peur et le chagrin. Le soir ils s'arrêtèrent à une épicerie pour faire des provisions, ils passèrent la nuit dans la remise.

Le matin ils reprirent  le chemin vers le lac, sans se parler. Perdre des jours c'était idiot et pourtant c'était aussi du "temps pour que la colère descende et peut être l'impuissance, le chagrin et "quoi faire du gosse" qui rongeaient Liam à l'intérieur . Tout cela devait se calmer. Liam se répétait que la vie sans Ava n'avait pas de sens. 

Ils rencontrèrent, dans cette plaine déserte, *un type abandonné par sa fiancée, et qui voulait un téléphone pour appeler sa famille. Liam n' avait pas de téléphone ,alors le type l'insulta et lui attrapa la jambe, en criant de ne pas le laisser là.  Liam lui donna un coup de pied dans la poitrine et partit au galop avec Aru , en s'éloignant du gars . C'est alors qu' ils se regardèrent et éclatèrent de rire . Peu à peu leurs sourires s'effacèrent . C'était curieux cette "sensation de quelque chose d'immense" , comme une fête intérieure qui ,d'un coup, s'en va. 

Liam se rappela quand son chien mourut et qu'il n'avait pas le moral et puis 3 papillons étaient arrivés en volant et en cabriolant. Il les avaient regardés quelques minutes , pendant lesquelles il avait tout oublié et puis la peine était revenue. Il y eut cette "sorte d'intermède "de fête intérieure.  "Après de tels moments c'est la vie qui reprend et c'est rarement beau ou drôle. "

Ils avaient traversé un pont et commencé à monter , le  temps était nuageux. Il ne pleuvait pas mais les éclairs ne cessaient pas de déchirer le ciel. C'était un orage sec. Une voix intérieure disait à Liam  de perdre  Aru dans la forêt , une autre s' opposait à cette idée. Il ne fallait l'abandonner comme un chien : soit  il s'épuiserait et mourrait de faim, soit il aurait un accident, soit il serait bouffé par un prédateur et tout ce temps il aurait peur et il aurait pleuré. 

Le ciel s'illuminait en beuglant. D'un coup la pluie se mit à tomber et ce fut comme une douche. Mouillés, ils partirent au galop et entrèrent dans le bois. Ils y trouvèrent une grotte pour s'abriter; ils mirent des vêtements de rechange et regardèrent le paysage qui ressemblait à une Apocalypse. Après l'orage, ce fut une pluie fine et Aru écouta son tintement. Le monde résonnait en eux et il les accueillait.

Ils allumèrent le feu  puis ils entendirent les loups chanter et sentirent quelques chose d'irrépressible qui vrillait au fond de leurs ventres. Liam pensait que le chant du loup l'émouvait jusqu'aux larmes car il y avait "l'éclat d'un animal dans l'homme" et il se disait que c'était pour cela qu'il vivait à la montagne, pour" toucher du doigt et du bord du coeur, le territoire sauvage qui survivait en lui." Alors Aru se mit à chanter avec les loups comme Liam l'avait fait cent fois. "Au début il y a de la timidité e puis on se met à fredonner avec eux  et à la fin on gueule et c'est une sensation immense." Mais chanter avec les loups c'était son espace, son secret et Aru lui marchait dessus ,alors il l'arrêta.  

Le lendemain, Liam faisait la tête; il n'avait pas pardonné à Aru d'avoir chanté la veille.  C'était idiot, car n'importe quel père se serait émerveillé. Il y avait en lui cette colère contre le gosse. Dans la tête de Liam tout était incohérent , il croyait que le môme le provoquait. Mais c'était le contraire.  Le gosse cherchait simplement à s'accrocher à son père, il ne demandait qu'un peu de tendresse. Il ne le disait pas, "c'était invisible sauf que c'était tellement là que l'air en frissonnait." Liam voulait lui répondre qu'il n' éprouvait pas du tout de la tendresse. Il y avait un équilibre à trois : Ava c'était le lien qui manquait, c'était l'eau entre la fleur et la terre. "S'il n'y a pas d'eau la fleur se flétrit et la terre se dessèche." C'était l'impression qu'avait Liam, il "s'effritait peu à peu, il partait en lambeaux, en petits morceaux de tristesse." Aru c'était la naissance de la peur dans la tête de Liam. S'il avait un accident, il ferait quoi du môme? Aru c'était son désespoir .

Aru eut mal au ventre et chia dans son pantalon , le père le gronda, l'envoya se rincer à la rivière. Cela lui était arrivé quand il était enfant mais son père lui avait mis  le nez dedans. Son enfance  fut à la dure et ça laisse des traces! Aru exécuta  l'ordre de Liam et ce dernier se sentit minable,  pas meilleur que son père, le salaud. "C'est avec cette brutalité là qu'on fait des générations de tarés qui se suivent sans s'améliorer! "Aru plus tard sera comme Liam, son seul modèle, qu'il reproduira. Aru pleurait. "Un gosse qui pleure parce que le monde est injuste c'est même  ce que Liam avait ressenti de plus terrible dans son existence. "C'était facile pour un adulte de faire chialer un môme. Alors Liam ne supportant plus de voir pleurer Aru lui dit que ce n'était pas grave de chier dans son pantalon. 

En fin de journée ils s'arrêtèrent près d'une cabane. Un gars, assis devant, les invita à partager avec lui le repas: un lièvre rôti. Le matin ils repartirent et devant eux, il y avait mille collines vertes, des rivières, des résineux, le ciel  bleu et au fond  les montagnes.

Liam pensait qu'après le lac , ils devaient rentrer à la maison et que l'existence serait impossible entre lui et le gosse.  Et la colère monta en lui. Ca faisait des jours qu'elle montait à l'intérieur, ça faisait de jours qu'elle le bouffait dedans. Il voulait hurler pour dire que ça n'allait pas, mais il ne le fit pas , elle resta au fond de lui et les dégâts étaient immenses. C'était la rage, il ne réfléchissait plus vraiment, c'était cette fureur qui le portait. 

Au milieu de l'après midi ils arrivèrent au lac, ils mangèrent, assis sur sa rive  . Ensuite Liam prit brusquement  Aru par la main, avança dans l'eau , enfonça sa tête sous l'eau  et se mit à compter en hurlant. Il essaya de noyer son fils et puis le sauva. Il voulut le tuer, mais il manqua de courage. Le jour où Ava mourut , Liam sentit que la vie n'avait plus de sens pour lui. Par contre il n'avait pas remarqué qu'il y avait le môme aussi. Peut être parce qu'un enfant c'est une tâche immense, ça signifie s'occuper de quelqu'un d'autre que soi et tout le monde  n'en est pas capable. Liam ne savait pas comment lui parler, le nourrir, le porter; il aurait dû regarder Ava pour apprendre ça.

Maintenant, devant le feu, ils séchaient  leurs vêtements , puis le môme demanda quand sa mère allait revenir. Il était tellement malheureux que son seul secours était sa mère morte." Parfois on est mieux avec des gens morts qui nous aimaient qu'avec ceux qui restent mais qui ne représentent rien pour nous." Liam était ce type qui ne s'occupait pas d'Aru et qui avait voulu le noyer. 

*** la solution

Liam pensait qu'il avait le choix de maintenir cette relation  distante  avec Aru ou bien d'essayer de réparer tout et de construire l'amour avec lui. Mais c'était maintenant,  le moment de le faire.  Et soudain , Aru, joyeux, le regarda et se jeta dans ses bras comme autrefois ,quand il rentrait de la chasse. Le suspens au lac les avait sauvés, sans illusion. "L'illusion serait de croire que maintenant, ils s'aiment et que tout est en ordre alors que tout est à construire." Liam avait une seconde chance qu'il ne voulait pas manquer. Ils partaient de loin et il y avait un sacré bout de chemin caillouteux à faire. "Liam avait l'impression d'avoir trouvé un chien battu et qu'il faudrait réapprivoiser avant qu'il ne devienne une bête sauvage". 

Ils marchaient, vers la maison et Liam ne savait pas comment il allait organiser sa nouvelle vie, mais il se disait que c'était idiot de  faire de projets ,pour l'avenir." La sagesse est de se dire: " pour le moment on marche et on pense à ça, on contemple le monde." 

Liam avait décidé de prendre soin de son enfant. Il demandait au môme de faire de petites choses( allumer et éteindre le feu, abreuver les chevaux...)  pour lui donner de l'importance.  Il passait derrière lui pour voir s'il avait bien fait les choses. Il l'encourageait, il comprenait qu'Aru était un gosse. S'il perdait du temps à regarder un papillon quand Liam l'envoyait chercher de l'eau, c'était qu'il était capable de poésie. Liam ,lui, avait appris avec des bouffes et de coups de trique mais lui au contraire traitait  Aru avec douceur. "Cela veut dire que l'on ne reproduit pas toujours ce qu'on a vécu." 

Quand Aru chevauchait à côté de Liam ou qu'il lui faisait un sourire, c'était comme si le ciel  les enveloppait. Et ces moments là avaient quelque chose de particulier qui le rendait bon. 

Ils marchaient  toujours et à la fin de la journée ils aperçurent  une maison. Un vieux( une sorte d'ogre, l'opposé du héros, le méchant)    sortit et les invita à partager avec lui et ses 5 enfants (de 6 à 14 ans) leur repas frugal et à dormir dans leur remise.  Lorsque la grande fille servit la soupe au vieux, celui là lui toucha la fesse et Liam n'aima pas ce geste. Il pensa que le vieux devait exploiter ces gosses; ils étaient trop jeunes pour être ses enfants comme il le prétendait. Le vieux comprit qu'Aru n'avait plus de mère et proposa à Liam de le lui laisser. Il grandirait avec les autres. Mais Liam lui serra brusquement le bras et lui demanda si c'était pour lui mettre la main au cul et le vendre. .. Le vieux s'excusa et lui servit  une tisane avant d'aller au lit.

Liam se leva pendant la nuit car il avait très mal au ventre. Il comprit que le vieux l'avait empoisonné pour prendre Aru. Il fallait s'enfuir. Liam réveilla Aru et ils partirent. Liam était à moitié mort. Il pensa que c'était normal de payer le mal qu'il avait fait à Aru. 

Liam n'avait jamais dit à Aru : "je t'aime". Pour lui l'amour était une affaire de corps d'adultes. Il n'avait pas pensé qu'il aimait la montagne, le printemps. Au fond il aimait Aru comme la montagne, avec un regard infini sur le monde. 

La douleur lui sciait les entrailles mais sa tête travaillait à une allure folle, ses pensées se croisaient et s'entrechoquaient . Le vieux allait se mettre à leur poursuite. C'était une réflexion de chasseur. "Quand on blesse une bête on ne la lâche pas. On la traque pour l'achever". Voilà pourquoi il fallait marcher toute la nuit et s'éloigner . Liam espérait  trouver une maison et des gens qui pourraient protéger Aru. Avant l'aube ils s'arrêtèrent un peu , Aru s'endormit et puis ils repartirent.  Liam souffrait  atrocement  et fatigué descendit du cheval se reposer. Quand il se réveilla, il vomit rouge et jaune et vit dans le regard d'Aru de la pitié, quelque chose de vertigineux. Personne n'avait jamais eu pitié de lui! Ils reprirent la route et le soir s'arrêtèrent près d'un ruisseau. Aru entrava les chevaux, ramassa de la mousse et des brindilles, fit le feu, il rapporta de l'eau de la rivière et mit la dernière boîte de conserve à chauffer. Puis il alla se promener autour. 

Enfin, ce que Liam avait redouté arriva: le vieux était là. Il avait un fusil qu'il pointa vers Liam. Il demanda où était le gosse, puis arma son fusil. Liam mit toutes ses forces à hurler pour que l'enfant s'enfuit et il y eut une déflagration , le claquement de la balle qu'on tira... cC'était Aru qui avait tiré et tué le vieux avec le fusil d'Ava que Liam avait laissé dans la sacoche du cheval. Quelle chance! Aru s'agenouilla près de Liam. Il  avait sauvé la vie de son papa qui le remercia. Avec Ava il avait manqué l'ours avec son fusil. Liam savait qu'Aru était ce qu'il avait de plus précieux au monde.

Le lendemain Liam ne pouvait plus bouger. Il montra la carte à Aru et lui expliqua comment arriver chez Mike et Halen leurs voisins. Il l'encouragea et lui fit un sourire. 

***Epilogue (situation finale)

Aru accomplit sa mission , Henry transporta Liam à l'hôpital. Il sortit après 3 semaines et reprit doucement la chasse. Quand Liam partait une semaine chasser, Mike et Halen, qui avaient 3 enfants hébergeaient Aru. Et c'était bien qu'il soit de temps en temps chez eux, ça lui montrait ce que c'était une famille. Une famille c'est fait pour grandir et s'agrandir; eux l'avaient rétrécie . 

En hiver le soir , Liam et Aru se mettaient dehors  pour regarder le ciel, en silence. " Il y a des moments ou les mots n'apportent rien!"  Liam sentait avec une force infinie que c'était le môme qui avait fait de lui un homme, avec de l'humanité pas seulement une machine violente. Il était devenu  le père de son fils, vraiment.  Maintenant il voudrait qu'Aru reste petit toute sa vie pour le protéger. 

Bref, On était des loups   raconte une histoire bouleversante et tragique qui se déroule dans un cadre poétique, au milieu de la nature. Liam vit à la montagne avec sa femme Ava et leur fils Aru de 5 ans. Une vie en pleine montagne splendide mais sauvage et parfois cruelle. Un jour, en rentrant de la chasse, Liam trouve sa femme morte, tuée par un ours et l'enfant à côté vivant.

Désespéré, Liam ne veut plus de cet enfant et essaie de s'en débarrasser , il essaie même de le tuer (le noyer) .  On suit les pensées de ce personnage dévoré par le chagrin et horrifié par la tâche difficile qui l'attend: devenir père. Et puis on assiste petit à petit à la naissance d'un père, on voit la part d'humanité de Liam prendre le dessus sur sa part d'animalité. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

27 mars 2024

Henri Gougaud : Paramour

Lecteur, mon semblable, mon frère,  la musique adoucit les moeurs ou nourrit l'âme, la purifie comme dit Aristote  mais pas n'importe quelle musique ...et il faut la pratiquer!  Certaines musiques peuvent vous assourdir. Lire , c'est boire et manger ;" l'esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas ", dit Hugo. Donc la musique nourrit l'âme et la lecture nourrit l'esprit.

Voilà un tantinet de nourriture pour l'esprit! 

Henri Gougaud né en 1936 à Villemoustaussou est un écrivain, poète , chanteur français et un conteur sans égal.

Résumé

Paramour est un fascinant roman qui nous transporte au Moyen Age, au temps des troubadours, des chevaliers et de la peste noire de 1348.  Le narrateur est un personnage du livre, un jeune de 17 ans , Mathieu qui rêve de devenir écrivain. Il habite à Avignon avec sa mère et sa soeur  Angèle , il est apprenti chez  maître Aventin, écrivain public. Un maître bon , patient mais , qui, détestant les pratiques de l'église, est accusé d'être hérétique.  Il dit que "le paradis n'est pas un lieu de l'univers mais un état d'âme. Nourrir l'âme, lui donner de la force, la hisser assez haut pour qu'elle soit à portée des anges, est un travail patient, minutieux, difficile".(   Il faut nourrir son âme, son esprit et son corps toute sa vie ! ) L'âme de Mathieu est prompte à s'élever, mais il est encore fragile!  

C'est alors que la peste arrive et  lui enlève sa mère. Son maître est  brûlé. Les gens sont pris de  folie ; ils accusent  les Juifs de conspiration contre les chrétiens et les massacrent. 

Alors Mathieu, sa soeur et son compagnon  Bernard s'en vont sur les chemins à la recherche de l'auteur d'un livre de contes, trouvé près d'un couvent. Le grand père de Bernard lui avait raconté beaucoup d'histoires. Il lui disait que "la nuit et le jour n'étaient que des sandales du temps, sur un chemin sans fin , qu'après l'une venait l'autre".

Bernard est devenu troubadour et c'est lui qui raconte des histoires aux autres. Quand Mathieu pleure  son maître disparu, Bernard lui dit:" Ne gaspille pas tes forces en jérémiades , ta vie véritable est longue, plus longue que ce laps de temps étroitement serré entre ta naissance et ta mort. Elle est faite d'intempéries, de soleil et de ténèbres, de découvertes et d'accomplissements". 

Ils marchent dans la lande et Mathieu la trouve  belle avec ses fleurs et ses cailloux , intimement  accordée aux musiques de son âme en paix. Mais il ne peut en jouir longtemps. Les malheurs( la mort de sa mère, de  son maître, les puanteurs de la peste)  qui l'avaient conduit en ces splendides lieux, l'assaillent , ils sont  encore ardents. 

Ils rencontrent Moktar, un homme fou, clairvoyant qui leur offre sa science de guérisseur (il guérit Angèle qui, blessée  en chemin, par un soudard , a de la fièvre) et ses mangeailles. Mathieu aurait aimé que Moktar lui confie ses peines, ses espoirs, ses secrets. Il lui aurait offert les siens.  "Mais qui peut pénétrer l'intimité des êtres? Et même de nous, que pouvons nous dire qui ne soit point trop éloigné de nos lumières profondes?"  Avant de se séparer de Moktar , Mathieu ouvre le livre , à sa demande,  et lit le conte suivant.

   On dit que le roi Salomon, se promenant tête basse , vit à sa sandale une fourmi et lui dit: "Où vas tu petite soeur?" Elle répondit: "Grand roi, ne me retarde pas. Je cours où mon âme m'appelle, à la poursuite des gazelles. -Amie, dit le roi, connais tu ces bêtes divines? - Hélas   non, mais j'ai vu leurs ombres passer et j'en fus tant bouleversée que je ne peux vivre sans elles." Le roi souriant lui dit: " Comment peux tu rêver en rejoindre quelqu'une? Elles vont droit comme l'oeil à travers le désert , elles franchissent d'un saut la dune que tu escalades en cent jours! A suivre leurs sabots , tu tomberas bientôt dans une empreinte creuse et la brise qui tout efface, peut-être t'enfouira dedans. Quitte tes illusions pauvre amie valeureuse et retourne à la fourmilière que tu n'aurais pas dû quitter. - Je sais,  ô roi des rois que la raison t'inspire. Mon pas est court, ma vie n'est qu'un jour de la tienne , mon ciel n'est pas plus haut qu'un brin d' herbe naissant. Je ne suis rien et j'aspire à la grâce parfaite, j'avoue que c'est grande folie. Mais qu'importe à mon coeur aimant. L'espoir me tient et me pousse, ne me laisse point en repos. Il occupe toute ma vie. Je veux lui obéir sans faute et la mort ne me sera rien si elle me prend sur mon chemin à la poursuite des gazelles. " 

L'auteur du livre est Frère Benoît Main d'Or du monastère de Saint Rome du Tarn. Après une semaine de voyage, pour éviter une bande de routiers, ils prennent le sentier vers la forêt des Cévennes où ils trouvent une maison en bois, habitée par un couple. L'homme, Vincent a été moine et ermite, avant de rejoindre une bande de pilleurs qui l'ont abandonné, blessé. C'est Sarah sa femme actuelle, qui lui a sauvé la vie, en le soignant et en priant avec ardeur.

Vincent instruit Mathieu et bientôt ce dernier se défait de ses fausses bontés. Il apprend à se défendre sans haine ni remords, par simple obéissance à son désir de vivre.  Il se sent dans une vie nouvelle où il n' a plus ses vieilles craintes ni ses timidités d'enfant. Sarah l'initie à l'amour, dans l'herbe. Avec Angèle et Bernard , Mathieu assiste à une messe nocturne mystérieuse avec des loups qui, comme dit Vincent" ont offert à chacun ce qu'il pouvait entendre et voir selon l'état de son âme".

Puis, le jour du départ arrive. Tout au long du voyage Bernard raconte ses histoires déraisonnables qui font la vie plus belle. Un soir ils arrivent au couvent de Saint Rome du Tarn. Benoît est dans son jardin. Il avait été autrefois peintre et sculpteur d'églises. Il leur avoue qu'il n'est pas l'auteur du  livre ;  il l'avait seulement copié et enluminé.

L'auteur de ce livre est Anselme de l'Aure, autrefois troubadour glorieux  à la cour du comte de Foix, , qui s'est ensuite retiré dans un ermitage proche d'Aubrac. De Saint Rome à Aubrac il faut compter deux longues semaines de route et il faut partir au plus vite, car l'automne est mûr. 

Ils s'en vont et bientôt, ils sont réduits à mendier le pain et la chaleur des étables. Ils marchent vides d'espoir. Dieu avait déserté ces espaces. Enfin, ils aperçoivent un hameau et arrivent à une maison forte et austère où  ils mangent et se reposent. A table Bernard, enfermé dans ses rancunes et ses peines, désespéré ,chante une complainte triste: " Seigneur si je suis votre enfant, vous êtes un mauvais père. Si je suis votre enfant, quel bien m'avez-vous fait? Aucun. Mon âme est vide." 

Le lendemain, ils quittent cette maison et la neige se met à tomber. Ils passent une nuit dans une bergerie et le matin ils repartent . Tout est couvert de neige. Pas un sentier! Pas un toit, une bête, un arbre. Rien! Vers où marcher? Pourquoi combattre? Pour la vie. Quand aucune pensée ne l'entrave, elle va sans autre but que d'être encore un jour, une heure de plus.

Alors Bernard se met à réciter Ave Maria: "Sainte Dame, Que chacun de nous vous parle selon son âme et son coeur. Moi sur cette fin de route où nous voilà parvenus, je ne peux rien d'autre que chanter pour l'amour de vous , pour Angèle et pour Mathieu, pour ce beau temps qu'il fait. " Sa voix est d'une beauté prodigieuse. 

Soudain un femme en haillons s'approche d'eux , s'empare du sac d'Angèle et s'enfuit, en ricanant. Ils montent la butte pour la suivre et de là- haut ,ils ont devant eux, dans le vallon  la domerie d'Aubrac. Miracle! La vieille était la Sainte Mère!  La prière les a sauvés. 

Lucie, une jeune fille du couvent les conduit à l'Ermitage d'Anselme de l'Aure.  Ils y arrivent. Sa demeure était modeste: un lit de paille, une table, un banc devant l'âtre, une petite écritoire, une bougie. Anselme comprend quel est le but de leur visite et avoue que les contes  ne sont pas de lui et qu'il ne connaît rien aux choses immortelles. Ces contes, il les a entendus en Terre sainte , d'un derviche mendiant qui les tenait d'un autre errant aveugle. 

Le pur et simple amour qu'Anselme avait mis pour écrire ces contes  a donné la force à Mathieu, Angèle et Bernard de venir jusqu' à lui.. Anselme les a écrits à la demande de sa bien-aimée malade de la peste et il y a  mis toutes les ressources de son art et tout l'amour de son être. 

Mathieu s' éprend de Lucie. Elle ne veut pas devenir nonne, mais son frère avait été gravement malade et son père avait promis à la Vierge de lui donner sa fille,  si le fils échappait à la mort . Il a survécu mais il est devenu une mauvaise personne. Mathieu écoute cette  histoire et pleure. Alors il décide de vivre dans la compagnie d'Anselme qui dit:" J'imagine un être dont l'amitié me serait si désirable que j'oublierais pour elle les misères du monde. Je voudrais aller à sa rencontre librement, lui offrir le meilleur de moi, travailler à lui faire un nid dans mon esprit et nourrir notre affection de ce silence que laisse derrière eux ces contes."  

Anselme dit que le Dieu que cherche Bernard est visible dans le regard et dans l'âme d'un homme qui habite dans le hameau Saint Jude à une heure d' Aubrac. Il est son maître. Arrivés à Saint Jude, il faut demander la maison de Marthe Paramour, sa mère.

 Anselme dit alors à Mathieu: " Si ton oeil constate, impassible, qui suis-je? Un corps vêtu, telle taille, tel poids, un vieillard. Donc si rien n'est dans ton regard, rien n'est dans ce qu'il voit, rien qu'une forme sans âme. Mais si plus que tes yeux, ton être ( coeur et sens ) me regarde, avec je ne sais quelle attention, alors quelque chose de plus qu'une épaisseur de chair est en moi perceptible. Ce quelque chose on l'appelle la vie et on peut l'appeler Dieu. Notre regard le crée ou le laisse en sommeil.   Allez visiter cet homme et si vous savez voir,  Dieu vous apparaîtra . Ce que vous cherchez n'est pas dans le savoir mais dans les créatures."

Ils rendent visite à cet homme : un être avec des jambes informes et fluettes qui ne peut pas parler. Mais dans ses yeux on voit une grandeur rieuse, une innocence d'aube, un bonheur de soleil et la pure amitié des êtres. La mère hausse les épaules comme  pour s'excuser d'être aux soins d'un idiot. Sur le chemin du retour, Mathieu sent son esprit lavé de tout nuage.

Le lendemain, Angèle et Bernard reprennent la route et Mathieu revient chez Anselme et commence a écrire le livre de son voyage. D'ici un an, Lucie doit prendre sa décision d'être nonne ou pas.

Bref, lecteur , l'histoire que raconte l'auteur prend la forme d'un chemin initiatique . Mathieu, le héros principal traverse les épidémies de peste, côtoie la violence des foules et des soudards, le froid et la faim mais rencontre aussi des personnages lumineux( Moktar, Benoît, Anselme, le fils de Marthe Paramour). Cette histoire aussi ancienne qu'elle soit, nous donne de la force pour traverser nos tempêtes à nous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

18 mars 2024

Marie Nimier, La reine du silence

Lecteur, mon semblable, mon frère, La reine du silence est un récit autobiographique.  Marie Nimier y peint   ses émotions, parle  de ses épreuves et ses souffrances.

A quoi vous servira -t- il de les connaître?  Eh bien! paradoxalement, l'expression personnelle renvoie à l'universel, comme le proclame aussi Hugo dans la préface de ses Contemplations: "Nul de nous n'a l'honneur d'avoir une vie qui soit à lui. Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis; la destinée est une. On se plaint quelquefois des écrivains qui disent MOI. Parlez -nous de nous , leur crie- t- on. Hélas! quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez- vous pas? Ah! insensé, qui croit que je ne suis pas toi! Traverser le tumulte, la rumeur, le rêve, la lutte, le plaisir, le travail, la douleur, le silence; se reposer dans le sacrifice, et, là , contempler Dieu; commencer à Foule et finir à Solitude, n'est-ce pas l'histoire de tous? 

Marie Nimier née à Paris en 1957, deuxième enfant de l'écrivain Roger Nimier se tourne très jeune vers la scène et vers la musique.  A partir de 1985, elle embrasse une carrière d'écrivain rapidement couronnée par l'Académie française. Elle obtient le prix Médicis , en 2004 ,   pour La reine du silence.

Roger Nimier (1925- 1962) est un écrivain français. Il est un élève brillant; son condisciple en classe de philosophie, Michel Tournier juge sa précocité "un peu monstrueuse" et son intelligence et sa mémoire "hors commun". Le 3 mars 1945, il s'engage au 2e régiment de hussards. 

Son premier roman Les Epées ( publié en 1948)  raconte l'histoire d'un jeune homme passant de la Résistance à la Milice, dans le contexte de la seconde guerre mondiale. 

Définitions:  La Résistance englobe l'ensemble des réseaux clandestins qui, durant la Seconde Guerre mondiale, ont poursuivi la lutte contre les Allemands et les collaborateurs fascistes (1940-1944). La Milice est une organisation politique et militaire française, créée en 1943, par le régime de Vichy, à la demande  de Hitler , inquiet des progrès de la Résistance. 

Ensuite, il publie 5 autres romans dont  le plus célèbre ,publié en 1954,est le Hussard bleu .   Jacques Chardonne lui ayant conseillé de ne plus écrire de romans pendant 10 ans, il arrête d'écrire. 

En 1952 Bernard Frank le sacre chef de file des Hussards dans un article paru dans les Temps modernes.  L'appellation  "Les Hussards", issu du titre "Le Hussard bleu" de Roger Nimier,  désigne un courant  littéraire des années 1951.    Placé sous le patronage de Jacques Chardonne et de Paul Morand, le noyau du groupe compte Antoine Blondin, Michel Déon, Jacques Laurent. Ces écrivains ont, en commun ,un style bref et incisif, insolent , anticonformiste; ils reconnaissent comme maîtres  Saint-Simon, Stendhal, Alexandre Dumas , Bernanos, Marcel Aimé et s'opposent à l'existentialisme de Sartre. Les Hussards soutiennent l'Algérie française. 

Roger Nimier meurt en 1962 dans un accident de voiture.

Rappel : écrivains de droite/ écrivains de gauche 

L'histoire de la partition droite gauche, en politique remonte à la Révolution française, de 1789. Depuis la Révolution on parle aussi d'une littérature de droite (Céline) ou d'extrême droite et d' une littérature de gauche (Hugo, Sartre, Annie Ernaux ).  "En matière de littérature et de style,  dit -on, les révolutionnaires ( la  gauche) conservent et les conservateurs( la droite)  révolutionnent".  ( Vincent Berthelier  dans Le Style réactionnaire)   Définition Le réactionnaire(conservateur)  est le partisan du retour à l'ordre antérieur ( la monarchie). 

  En effet, la gauche est le peuple et pour parler au peuple il faut utiliser  une langue simple et classique.  La gauche, c'est aussi l'engagement; pour elle la littérature est un   instrument de propagande. On attend de la droite qu'elle conserve alors qu'elle transgresse les normes, révolutionne le style.  Donc comme dit Queneau il y a une affinité paradoxale entre l'extrême droite et le style transgressif ( réactionnaire). 

A la Libération le champ littéraire est perturbé par la mort ou l'emprisonnement  , l'exécution ou les départs en exil de certains auteurs de droite. L'arrivée des Hussards est déterminante pour la littérature de droite dont le chef de file est Roger Nimier. Il est décidé de remettre sur le devant de la scène ces écrivains de droite( comme Céline), marginalisés  du fait de leur activité politique et leur engagement sous l'Occupation.

Et comment faire cela? Les Hussards cherchent à discréditer toute forme d'engagement littéraire ( soutenue par Sartre) et à déplacer l'attention sur les qualités stylistiques de la littérature de droite, d'abord pour minimiser l'engagement vichyste et hitlérien de la droite sous l'Occupation et pour réhabiliter leurs aînés (Céline, Paul Morand) en les présentant comme des stylistes. La gauche engagée ( de Sartre) est ennuyeuse , pesante, didactique; la droite a un style impertinent, élégamment bâclé.

Cet imaginaire stylistique est élaboré par Céline ; il développe l'idée de la primauté du style ou de la forme sur le contenu.  Le style de Céline ( oralité) incarnerait une littérature de droite soucieuse d'innovations stylistiques, quand celle de gauche se contenterait de défendre des idées sans souci de la forme. En fait Céline apparaît davantage comme un hapax que comme un échantillon représentatif. 

La reine du silence :  Résumé

 

"La reine du silence" est une autobiographie  c'est-à-dire un récitl'auteur est censé être à la fois narrateur et personnage principal de son livre.   Deux "je" coexistent : celui du moment de l'événement raconté, de l'enfance d'hier, et celui du moment de l'écriture, de l'adulte d'aujourd'hui. 

La reine du silence est un récit écrit de manière associative comme chez le psy. Cela déroute le lecteur.

Roger Nimier, le père de Marie Nimier, meurt jeune , à 36 ans,  dans un accident de voiture. Marie a, alors, 5 ans. Dans ce livre , elle reconstruit l'image de ce père fantôme, à partir des informations glanées auprès des amis de son père et de sa famille , dans le but de combler ce manque qui la terrorise . 

Une jeune femme de 27 ans, Sunsiare de Larcône,  qui était à côté de Roger dans la voiture, est morte également. Elle avait un fils de 7 ans. 

 Marie commence ses recherches. Elle va, d'abord,  se recueillir  sur la tombe de son père ,lui  achète des fleurs. Le gardien n'a vu personne sur cette tombe à part une équipe de télévision, venue pour une interview, il y a 8 ans. Elle rencontre le fils de Sunsiare qui n'a pas grand chose à lui dire. Sa mère était comme ça. 

Que  savait  son demi-frère Hugues, son aîné de 10 ans? En 1962, l'année de l'accident, il était en 4e et en pension , près de Paris. Un jour , le directeur lui  annonça  la mort de son père. Et la première fois rentré à Paris, après l'annonce du drame, il se rappelait d'une conversation à propos des dettes que le père avait laissées. 

Dès le lendemain de l'accident, la mère de Marie les  envoya, elle et son frère Martin, chez leur grand-père maternel, en Normandie.  A leur retour à Paris, la mère leur annonça la mort de leur père: "Papa a eu un accident de voiture. On l'a emmené à l'hôpital, et il est parti". Martin pleura , la mère aussi; Marie pleura le chagrin de sa mère. 

Marie habite au moment de l'écriture de ce livre en Normandie, elle est mariée et a 2 enfants. Elle essaie d'avoir le permis de conduire ; elle vient de le rater pour la deuxième fois.  

L'hiver de ses 10 ans Marie tombe par hasard sur la photocopie du testament de son père. Il léguait tout à ses amis, les Hussards et à Martin mais rien pour elle, sa fille. Peut-être qu'elle n'était pas sa fille, mais la fille de ce champion de  saut à la perche dont la photo était affichée sur la porte du placard à linge? Et pourtant elle était, physiquement,  Roger Nimier au féminin. 

Dashiel Hammett, le fondateur du roman noir américain, appelait ses deux filles ses princesses, ses bécassines; Roger Nimier appelait sa fille "la reine du silence" . Marie avait une  vague image du visage de son père, image marquée par les mots des amis:  lippe boudeuse,  yeux verts, dents inégales. 

 Un soir, Marie lisait Les aventures de Pinocchio avec ses enfants Merlin et Elio. La marionnette avait retrouvé son père dans le ventre de la baleine et lui disait: "Oh mon papa plus jamais je ne vous quitterai, plus jamais!" Ces mots troublèrent Marie ; elle était en proie à une émotion qui mettra des heures à se dissiper. Elle aurait aimé savoir ce que c'est d'avoir ses deux parents. "Un papa à 13 ans, à 19 ans, à 38 ans . Comment ça marche un père? De quoi c'est fait?

Marie Nimier travaille souvent à ce livre dans le train de Rouen- Paris qu'elle prend plusieurs fois par semaine. Par exemple elle écrit des petites choses que sa mère lui avait racontées l'année dernière: le canapé du salon éventré par le père à coups de couteau, les scènes de jalousie, les menaces; sa collection de soldats de plomb, les armes posées devant les livres, le pistolet braqué sur la tempe de Martin bébé. Ainsi son père perdait l'équilibre car il buvait beaucoup. Une fois , Marie étant seule à la maison,  avec son père qui travaillait à son bureau  et avec sa nounou Sylvie, la petite  fille eut l'idée de  servir à son papa,  un oeuf au plat en plastique et elle attendait qu'il fasse semblant de le manger. Mais il ne savait pas jouer avec ses enfants, il jeta l'oeuf dans la corbeille à papier. 

L'année dernière, Marie se débattait avec des rêves d'une violence extrême.  Elle demanda à son frère Hugues s'il  n'avait pas de souvenirs de bagarres ou de scènes auxquelles elle aurait assisté et qui pourraient expliquer ses cauchemars  récurrents? Hugues se rappelait que Roger lui avait consacré des moments lui apprenant un jeu des cartes, l'initiant à Arsène Lupin. Il se souvenait du bain qui coulait quand le père rentrait du bureau. Le bruit de l'eau étouffait les insultes, les sanglots de la mère. Guillaume, le premier enfant de la mère mourut 2 jours après sa naissance. La mère cacha aux enfants la dure réalité qu'elle vivait. Au moment de l'accident elle était en train de divorcer avec Roger. Elle avait demandé la séparation de corps ; elle avait comme preuve des marques bleues sur son cou et la tentation de suicide du père. Elle avait élevé seule ses 3 enfants. 

 Il n'existe aucune photo du père avec ses enfants. Pourtant il avait des photos avec ses amis, dans la cour du lycée, avec son calot d'engagé volontaire. Il y a cette lettre envoyée à Jacques Chardonne, un an après la naissance de Marie où le père dit: "Dans la vie je ne vois rien du tout, sinon la sottise de mon existence, passant d'un bureau à une nursery , accablé de travail, de cris d'enfants, tout cela sans espoir , ni distraction". 

Marie a  l'impression qu'elle n'a plus rien à raconter sur Roger. Elle lit  , en ce moment Ma vie d'Isadora Duncan. Elle a repris les cours de conduite. Les deux enfants d'Isadora se sont noyés dans la Seine , en voiture. Le père et Sunsiare sont morts en accident de voiture. Marie a envie de tout arrêter : le livre et les cours de conduite.

Marie est dans un café près de la gare Saint- Lazare avec un journaliste qui l'interviewe sur la vie de Roger, son papa. Il veut faire un article sur ces écrivains ( comme, Dumas père, Mauriac..) qui ont passé le flambeau à leur enfant.  Il y a d'un côté la représentation publique de Roger ,homme de lettres , de l'autre la perception privée d'une petite fille. 

La semaine suivante, elle participe à une table ronde, à la Maison de la Radio. En attendant que l'émission commence elle se rappelle avoir  participé, accompagnée de Franck son mari,  au Salon du livre à Bordeaux avec ses livres.

Pourquoi n'a- t-elle pas pris un pseudonyme, ? C'est une question qu'on lui pose souvent. Elle a utilisé une fois un pseudonyme: elle a fait un mariage en blanc à Brooklyn pour obtenir une carte de séjour dont elle avait besoin pour travailler. Elle était comédienne dans une troupe de théâtre.  Elle avait signé , à 23 ans Pascale Martin, une enquête de Que choisir sur les instituts de beauté. 

Le père de Roger, Paul Nimier a été ingénieur et a inventé la première horloge parlante . Sa mère, Christiane Roussel était violoniste. Elle arrêta la musique après son mariage. Dans l'univers chaviré de Marie, cette exquise  grand-mère incarnait la stabilité. Et pourtant, un jour, au mariage d'une cousine, Marie devait faire la quête dans l'église et Christiane la gifla parce qu'elle ne l'avait pas faite. Marie portait des chaussures neuves qui lui faisaient mal. La mère observa que sa fille avait des ampoules et la maîtresse du lieu lui prêta des mules. 

Quelques mois après ce mariage, Marie tomba gravement malade: un  rhumatisme articulaire aigu, hérité de sa famille. La mère l'avait bien soignée. Elle ressemblait à l'héroïne du livre Maman arrange tout de L. Mitchell. 

 Marie trouve la photo de Margaret Salinger( née en 1955 ) assise petite sur les genoux de son papa. Image d'un bon papa. En réalité, il fut un gourou maléfique naviguant entre croyances sectaires,  du néo bouddhisme à la scientologie, infligeant à sa famille des séances d'acupuncture, selon la description de Margaret dans son livre L'attrape rêves.

Marie s'attarde sur ce témoignage parce qu'elle avait prétendu longtemps qu'elle ne se serait pas entendue avec son père à cause de ses orientations politiques, de sa manière de parler des femmes dans ses livres, de son amour des armes et des uniformes et des voitures de course. Finalement mieux valait un père mort qu'un père qui voulait l'enlever elle et son frère à leur mère, un père qui  essaya d'étrangler sa femme, un père qui se coupa les veines avec un rasoir.

Cela expliquait la phobie des couteaux de Marie. Elle a pensé pour la première fois à se suicider, quand elle avait 11 ans et puis à 25 ans elle se jeta du pont de l'Alma ,dans la Seine ,en pleine nuit ,sans avoir de chagrin d'amour.  Elle se retrouva à l'hôpital. De son père elle "a traîné la mort comme un vieux manteau de lapin rapiécé". 

On vendait aux enchères 56 lettres et des manuscrits( Enfants tristes., Grand d'Espagne...  )  de Roger Nimier. Un collectionneur breton était mort et on vendait ses livres (Nord de Céline, des livres d' Antonin Artaud, d'André Breton, de Boris Vian,de Raymond Queneau, les oeuvres d'Henri Michaux, Les Rats de Bernard Frank, Terre- Neuve de Thym  ). Marie  y assista.  Dans une lettre qui datait de la naissance de Marie, Roger écrivait à Chardonne : "Au fait Nadine a eu une fille, hier. J'ai été immédiatement la noyer dans la Seine pour ne plus en entendre parler". Et à 25 ans, Marie voulut mettre à exécution les mots de son père. 

Après avoir lu cette lettre Marie rêva de son père debout sur le toit d'un immeuble; il disparut et le chanteur Ivan Rebroff le remplaça. Quand elle se réveilla, elle pensa à Hussard sur le toit de Giono et à Michel Tournier, ancien camarade de Roger qui le décrivait dans son livre Le vent paraclet : "un gros garçon doté d'une précocité monstrueuse". 

Marie rate pour la 3e fois et puis la 4e fois son permis de conduire. Les enfants la consolent. Elio apprend les verbes du 3e groupe et Merlin un poème de Guy Cadou. 

Marie trouve la  cassette avec la personne interviewée sur la tombe de Roger de Saint -Brieuc. C'est un ami de Sunsiare. Le jour de l'accident Roger avait bu un verre au bar, avec Blondin et Louis Malle et puis a déjeuné avec Sunsiare et cet ami. Ils s'étaient séparés à 4h devant l'église Saint Thomas d'Aquin. Le fils de Sunciare avait une société d'édition et de production musicale à Paris.

Un matin Marie téléphona au fils de Sunsiare . Personne ne répondit. La nuit elle eut un rêve. Elle tira un petit garçon des sables mouvants et le porta dans ses bras jusqu'à sa maison. C'était le fils de Witold Gombrovicz écrivain polonais (1904-1969) qui a écrit 2 livres extraordinaires qui traitent de l'être humain Ferdydurke et Mémoire du temps de l'Immaturité. Le lendemain elle téléphona, à nouveau, au fils de Sunsiare. On lui apprit qu'il était mort.

Frank et les enfants   ont décoré le sapin  puis ont installé la crèche. Martin mit ses chaussures sous le sapin. Frank se souvient que Roger avait perdu une chaussure lors de son accident. 

En conclusion, l' oeuvre semble écrite comme un puzzle qui fut reconstitué . "A la fin, les pièces se sont animées et une silhouette bougeait au centre de l'image. Il était là ce papa compliqué, Marie pouvait  reconnaître, son visage, son front haut, ses yeux verts. Elle pouvait le voir, l'imaginer. Et elle s'est sentie apaisée."

 

Analyse du thème de l'écriture dans La reine du silence

** Ecrire c'est choisir  un titre : Pourquoi La reine du silence? 

A l'école primaire, Marie avait reçu le titre de Reine de silence ; l'institutrice l'avait couronnée devant la classe. Le jeu du silence avait été développé par la pédagogue Maria Montesori. Quelques mois plus tard, Marie reçut une carte de son père qui lui demandait en lettres capitales: QUE DIT LA REINE DU SILENCE? 

Cette phrase posait une énigme impossible à la petite fille: "Comment , à la fois, parler et ne pas parler. Elle tenta de se noyer à 25 ans pour se taire.   Maintenant, elle ne pouvait plus compter sur la mort pour résoudre l'équation paternelle. Elle avait échoué, il fallait trouver un autre chemin. "L'écriture se présenta comme un moyen susceptible de l'aider à sortir de l'impasse et de répondre à la double injonction paternelle. Le romancier n'est-il pas celui qui raconte des histoire en silence? Celui qui parle et se tait?"

Elle n'écrivit pas tout de suite; elle décida d'écrire d'abord un mémoire de doctorat sur le mythe de la sirène. La sirène, parce que sa mère l'avait surnommée la sirène des pompiers pour se moquer du timbre strident de sa voix. Au bout  d'un an de travail de lecture, à la bibliothèque, elle avait réuni une bonne partie de la documentation et le plan de mémoire fut approuvé. Mais ses rapports avec le directeur de thèse étaient distants, elle rencontra un éditeur qui lui proposa d'écrire un livre sur le mythe de la sirène et donc arrêta ses études. 

**Ecrire c'est connaitre  des périodes douloureuses d'aridité de "tarissement absolu" ,  sécher parfois devant la feuille blanche. 

Ce fut le cas de l'écrivain Jacques Chardonne qui prescrit à Roger 10 ans de réclusion. Il lui répétait qu'il fallait mettre sa plume de côté pour la laisser mûrir et qu'un écrivain devait mourir et ressusciter.  Ainsi Roger avait arrêté d' écrire à 29 ans. Cette année là, Barthes publia Le degré zéro de l'écriture. Marie repense à ce silence de son père, à son désarroi. Elle pleure son silence comme elle n'avait jamais pleurer sa disparition. Comment était- il possible, à 29 ans de prendre cette décision? Qu'est-ce qu'on se dit alors? Qu'on n'a pas de talent? Que toutes les "chaises sont occupées"? Que se disait Roger? Qu'il avait raté le train de la modernité? Il fallait quelqu'un qui lui redonne confiance dans le roman. Mais non! "Exit Nimier, le gros Nimier, l'encombrant Nimier! Bon débarras! L'alpiniste Walter Bonatti disait à la télé que " le succès n'est jamais pardonné ".

** Ecrire c'est faire des arrêts pour se relire. 

Marie nous  parle d'une de ces haltes: "Je viens de relire ce qui précède à propos de mes visites au cimetière, et qui ressemble si peu à ce que j'ai vécu. Difficile de trouver le ton, la juste distance. Je me dis parfois qu'il faudrait tout effacer et tout reprendre. "

** Ecrire c'est s'arrêter pour lire autre chose

Marie Nimier a l'impression qu'elle n'a plus rien à dire sur Roger et reprend la lecture de Ma vie d'Isadora Duncan . Elle lit chaque soir, avec ses enfants: Les aventures de Pinocchio, de Carlo Collodi ( 1826-1890) ,  Les aventures de Nils Holgersson de Selma Lagerlöf ( 1858-1940) , les aventures de Hermux Tantamoq de Michael Hoeye (né en1947...à Los Angeles)...

** Ecrire c'est être amoureux des mots.

Ainsi Marie collectionne des citations comme  celle-ci de Paul Valéry :"L'homme n'est homme qu'à la surface. Lève la peau, dissèque: ici commencent les machines. Puis tu te perds dans une substance inexplicable, étrangère à tout ce que tu sais et qui est pourtant essentielle". Et puis elle s'intéresse depuis longtemps aux proverbes, dictons qui mettent en scène le corps humain: avoir la rate au court-bouillon, l'estomac à l'envers, avoir la langue bien pendue. ..

** Ecrire implique publier son livre, donner des interviews, participer à des tables rondes à la Radio ou à la Télévision, aux salons du livre. Marie Nimier donne une interview dans un café, participe au salon du livre de Bordeaux, à une table ronde à la Radio. 

Bref , lecteur  , à travers ce périple, Marie aborde avec une écriture poétique, deux thèmes, principalement, celui  du mal être que l'enfant peut ressentir après un décès ou à cause du rejet d'un parent et le thème de l'écriture.

Roger Nimier, meurt dans un accident de voiture quand Marie n'a que 5 ans. En tant qu' écrivain, il avait une belle plume, une immense culture, mais fut un homme malheureux (il tenta de se suicider en se coupant les veines), un mari agressif ( il voulut étrangler sa femme, éventra le canapé de son salon avec un couteau), un père absent ( les enfants le voyait rarement) et indifférent( les enfants le gênaient , il ne se prenait pas en photo avec eux, il ne jouait jamais avec eux, il braqua un pistolet sur la tempe de son fils bébé).

J'ajoute les références culturelles du livre:

-Dashiel Hamett écrivain américain, fondateur du roman noir ( Le faucon de Malte )

-Walter Bonatti alpiniste 

-Les aventures de Pinocchio

-Arsène Lupin  est le personnage de fiction créé par Maurice Leblanc (auteur de romans policiers)

-Isadora Ducan, danseuse écrit  : Ma vie 

-Les merveilleux voyages de Nils Hogersson 

-Margaret Salinger, L'attrape rêve

-   Ivan Rebroff , chanteur : Kalinka 

-Giono , Hussard sur le toit 

-Michel Tournier, Le vent paraclet  ( le paracler est chez le chrétiens un des noms du Saint Esprit)

-Les aventures d'Hermux  Tantamoq , Michel Hoeye 

- Roman Polanski, Couteau dans l'eau ( film)

-Guy Cadou, Poèmes

- Witold Gombrowicz: Ferdydurke

-Bernard Frank, Boris Vian, Queneau, Artaud, André Breton, Henri Michaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

10 mars 2024

Gaël Faye, Petit pays

Lecteur,  mon semblable, mon frère,   "Lire c'est boire et manger. L'esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas." (Hugo)

L'autre jour, une excellente  professeure de français , de mon entourage, m'incita à  lire ce petit livre.  Mes premiers pas timides, méfiants, dans cet univers africain( Burundi, Rwanda), ne me donnaient  pas envie de continuer mon aventure. Et puis, en dégustant  un peu, et encore un peu cette nourriture spirituelle, je trouvai le plaisir.  Je confirme que Petit pays, ce roman autobiographique qui traite du génocide des Tutsis  par les Hutus, au Rwanda , du point de vue d'un enfant, est  "Un très beau roman, déchirant et incandescent , qui force l'admiration. " ( Yann Perreau, Les Inrockuptibles)  

Rappel

*Burundi est un pays d'Afrique centrale , formé de hauts plateaux et dont la capitale est Bujumbura. Ses voisins actuels sont: la Tanzanie, le Congo ou Zaïre  ,le Rwanda et le lac Tanganyika. 

*Rwanda est un pays d'Afrique centrale, voisin du Burundi et dont la capitale est Kigali.

Génocide des Tutsi  par les Hutus, au Rwanda

*Après les tentatives de destruction des Arméniens et des Juifs d'Europe, le génocide des Tutsis en 1994 est le dernier des génocides du XXe siècle. Orchestré par le parti hutu au pouvoir au Rwanda , le génocide a fait presque un million de victimes en 3 mois.  

*A l'instar des génocides précédents,  celui des Tutsis commence par une phase de stigmatisation, suivi par la persécution qui débouche par la mise à mort. Ce meurtre de masse  est particulier par rapport aux autres.  C'est un "génocide de proximité": bourreaux et victimes sont des voisins.

Burundi et Rwanda se ressemblent par les ethnies qui les peuplent ( les Hutus, à l'origine agriculteurs, les Tutsis, à l'origine pasteurs, les Pygmées , moins nombreux), par les langues parlées et par une même histoire partagée.

*Histoire 

 Pendant des siècles les Tutsis et les Hutus cohabitent  pacifiquement, en se partageant le pouvoir , même si les Tutsis , qui possèdent le bétail sont considérés comme des "aristocrates". Le génocide des Tutsis s'enracine dans la politique coloniale.

Burundi et Rwanda ont été colonisés d' abord par les Allemands( à la fin du XIXe siècle), puis après la défaite de l'Allemagne à la fin de la première guerre mondiale, par les Belges. Ensuite , les deux pays sont intégrés au vaste ensemble formant le "Congo belge". C'est alors que se met en place une forme de racisme entre les "Tutsis évolués" favorisés par le colonisateur et les "Hutus faits pour obéir".

Après la seconde guerre mondiale le clan des Tutsis, plus cultivé, plus éclairé, entreprend de lutter pour obtenir l'indépendance. Alors,  les considérant "ennemis" de l'Etat, le  colonisateur belge   va favoriser dorénavant , les Hutus. La tension monte entre les deux ethnies. 

 En 1959, éclate au Rwanda une guerre civile: les Tutsis sont massacrés et contraints à s'exiler dans les pays voisins, dont le Burundi. La révolution rwandaise de 1962 mène à l'indépendance et à la chute de la monarchie des Tutsis et à la création   d'un gouvernement républicain dominé par les Hutus.  Dans les années 1963-1964, a lieu un autre massacre important des Tutsis suivi d'une autre vague d'exilés. 

Les Tutsis exilés au  Burundi s'emparent du pouvoir politique et militaire.  L'indépendance y est proclamée le 1er juillet 1962, avec installation d'une monarchie constitutionnelle et le français comme langue officielle.

La situation politique du Burundi reste tendue; en 1966 la monarchie des Tutsis est renversée par un coup d'Etat des Hutus qui  proclament  la république.  Les 27 années suivantes , une série de dictateurs tutsis dirigeront le Burundi. 

En 1993, la première élection multipartite dans ce pays amène au pouvoir un président hutu qui sera assassiné 3 mois plus tard. 

La situation devient explosive quand, le 6 avril 1994 , le président hutu suivant est lui aussi assassiné , avec le président du Rwanda.

Au Rwanda s'ajoute , en effet, à la tension, depuis 1990, l'action du Front patriotique rwandais (FPR) , créée par de jeunes Tutsis, exilés, qui veulent reprendre le pouvoir. 

La mort des deux présidents met le feu aux poudres: la radio rwandaise appelle alors chaque Hutu à tuer tous les Tutsis, "ces insectes nuisibles". Ainsi se déclenche le génocide des Tutsis, au Rwanda, qui dure 3 mois et qui rejaillit sur le Burundi: il exacerbe la vengeance que les Tutsis vont exercer contre les Hutus du Burundi. Les massacres ne s'arrêteront  qu'en 2000 après un accord conclu sous la protection de l'ONU. 

 Rappel

L'autobiographie et le roman autobiographique comme genre littéraire

Le mot autobiographie est formé de

* auto- , élément du grec "autos" qui signifie "soi-même"

*bio-, élément du grec "bios" qui signifie "vie"

*graphie, élément du grec qui signifie "écrire

Milan Kundera (écrivain français d'origine tchèque, né en 1929) fait, à propos de Jacques le fataliste( de Diderot), une remarque très importante. A l'origine, dit-il " c'est par l'action que l'homme sort de l'univers répétitif du quotidien où tout le monde ressemble à tout le monde , c'est par l'action qu'il se distingue, des autres et qu'il devient individu.

Mais Diderot , lui est plus sceptique. Jacques "ne peut jamais se reconnaître dans son acte. Entre l'acte et lui une fissure s'ouvre. L'homme veut révéler par l'action sa propre image mais cette image ne lui ressemble pas. Le caractère paradoxal de l'action est une des grandes découvertes du roman. Mais si le moi n'est pas saisissable dans l'action où et comment peut-on le saisir? Le moment arriva alors où le roman (autobiographique, épistolaire..) , dans sa quête du moi dut se détourner du monde visible de l'action et se pencher sur l'invisible de la vie intérieure".   

Dans le même sens , Dolf Oehler spécialiste allemand dans la littérature du XVIII e siècle dit que :" L'  autobiographie marque plus qu'un autre genre, ce tournant en littérature où l'énergie intellectuelle , au lieu d'aspirer à la connaissance de l'univers entier se concentre sur le moi comme sur un monde en petit, où l'on découvre les charmes de l'introspection, du souvenir, du souvenir de l'enfance surtout, du rêve et de la rêverie, de la solitude. "

 L'autobiographie est issue de la culture européenne occidentale et chrétienne: elle hérite en effet de la pratique de la confession , qui est une analyse de l'individu par lui-même. Les premiers écrits proches du genre autobiographique sont chrétiens (ex. Les Confessions de saint Augustin).

Mais il faudra attendre le XVIIIe siècle et les Confessions de Rousseau pour voir apparaître la première autobiographie au sens moderne. A partir du XVIIIe siècle les autobiographies se multiplient : Si le grain ne meurt d'André Gide, La règle du jeu de Michel Leiris, Les mots de Sartre, Enfance de Nathalie Sarraute...

* L'autobiographie se caractérise par l'identité entre l'auteur, le narrateur et le personnage principal. L'auteur raconte sa vie, ses états d'âme, ses émotions , son évolution , il est sujet de son livre.

Le roman autobiographique reprend des éléments très proches de la vie de l'auteur et il autorise des travestissements de la réalité ( changement de noms de personnes, transformation de certains faits...) que ne permet pas l'autobiographie: A la recherche du temps perdu de Proust est un roman autobiographique car les noms de personnages, les faits ne correspondent pas exactement à la réalité. 

Donc Petit pays , publié en 2016, est un roman partiellement autobiographique , au moins pour une raison:  l'auteur s'appelle Gaël et le personnage principal du livre s'appelle Gabriel. 

L'auteur

Gaël Faye est né en 1982, à Bujumbura, capitale du Burundi. Né d'un père français et d'une mère rwandaise, il mène une enfance paisible jusqu'à ce que le génocide de Rwanda, en 1994, le force à l'exil. En 1995, il s'installe à Versailles avec sa mère. Il mène avec succès des études de finances , il travaille dans le secteur de la finance quelques années et  ensuite il se consacre définitivement,  à sa passion pour la musique et l'écriture. Son premier album solo, de musique rap,  Pili Pili sur un croissant au beurre, sort en 2014 et son premier livre Petit pays , en 2016. Le roman connaît un grand succès ; il remporte de nombreux prix, et est adapté au cinéma.

Petit pays

Gaël Faye s'inspire de sa propre histoire pour écrire non pas une pure autobiographie mais un            roman autobiographique : Petit pays.  

Structure

Les 31 chapitres( chaque chapitre ayant  une cohérence interne à la manière d'une nouvelle)  du roman sont encadrés par un prologue, suivi d'un passage en italique et à la fin, d'un passage en italique suivi d'un bref épilogue. Le dialogue (entre le père et son Gabriel), du prologue, introduit le basculement du monde dans la guerre. On apprend qu' au Burundi et au Rwanda cohabitent 3 ethnies: les Hutus , les Tutsis, et les Pygmées et que la mère de Gabriel est  Tutsi. 

 Dans le prologue, on entend la voix de l'enfant et dans le passage en italique, le narrateur adulte évoque sa vie en exil en France et sa nostalgie du pays perdu. 

Dans le passage en italique qui précède l'épilogue, le narrateur adulte nous ramène dans son bureau et puis à Bujumbura où il revient après 20 ans et retrouve un ancien ami et sa mère vieillie. L'épilogue se présente comme antérieur au roman , dont il annonce l'écriture: " Le jour se lève et j'ai envie de l'écrire!".

Le roman est divisé en 2  parties: la première partie, des chapitres 1 à 15, est le récit de l'enfance, le temps du bonheur et la deuxième partie, des chapitres 16 à 31 est la fin de l'enfance insouciante et l'entrée dans l'Histoire et les horreurs du conflit.

Résumé

 C'est Gabriel le narrateur adulte qui débute son récit. Il avoue n'avoir jamais compris les raisons de la séparation de ses parents( son père français et sa mère rwandaise), à la fin de 1992.  Il n'avait que  10 ans alors. Ils habitaient tous, dans une belle maison, dans une impasse,   à Bujumbura (capitale du Burundi )et avaient  des employés ( Prothé, cuisinier hutu, Innocent, chauffeur tutsi, Donatien, contremaître zaïrois). Le jour de Saint-Nicolas, lui, sa soeur Ana et ses parents avaient rendu visite   à Jacques (colon raciste,  ami de son père), au Zaïre . Ce jour là Yvonne , la mère offensée par les propos racistes de Jacques et du père, se leva et quitta la terrasse. Ce fut la fin du bonheur pour Gabriel! Ce fut son premier chagrin. 

Le lendemain Yvonne, furieuse,  après avoir cassé des verres, des vitres, des assiettes et adressé des injures au père , quitta la maison et abandonna ses enfants. Gabriel passa la Noël et le Réveillon avec son père, eut un vélo comme cadeau. 

Ce vélo de Gabriel,  a son histoire. On le lui vola,  mais avec l'aide de Donatien et d' Innocent, Gabriel le retrouva chez un paysan pauvre. Donatien lecteur assidu de la Bible et qui symbolise la conscience morale dans le roman, conseilla Gabriel de laisser le vélo au paysan qui ne pourrait plus jamais en acheter un autre pour son enfant. Gabriel n'obéit pas, reprit son vélo mais par la suite, un sentiment de remords  naquit en lui;  il s'éveilla à la notion d'injustice, comprit le poids de la misère et put se situer dans le système colonial.

Quant à sa soeur et à sa mère , elles passèrent les fêtes de fin d'année au Rwanda, chez une tante qui avait un garçon Christian et 3 filles. Le Rwanda était le pays natal de la mère ; elle l'avait quitté avec sa mère, sa grand-mère et ses deux frères  Alphonse et Pacifique, en 1963, pour fuir la guerre civile entre les Hutus et les Tutsis. Les jeunes Tutsis exilés créèrent FPR (le Front patriotique rwandais ) dans le but de reprendre le pouvoir en Rwanda. Pacifique rejoignit le FPR dès que l'âge le lui permit.

Gabriel avait une correspondante, Laure d'Orléans et une petite bande d'amis avec qui il jouait.  Ils se baignaient ensemble à la rivière,  pêchaient, plaisantaient, volaient des mangues. Gino était son meilleur ami. La rivalité entre Gino et un autre enfant, le redoutable Francis, plus âgé, symbolise le passage vers la peur et la guerre

 Au mois de juillet 1993 , les élections présidentielles multipartites suscitèrent la joie populaire; c'était un président hutu du Frodebu  qui les emporta. Ensuite , l'anniversaire des 11 ans de Gabriel offrit l'occasion d'une belle fête dans le jardin, autour d'un barbecue au crocodile. 

Au mois de septembre ce fut la rentrée au collège, de Gabriel. Rendant une visite à son ami Gino, Gabriel  aperçut une fissure importante dans le mur, indiquant un mouvement sismique. Dans le roman, les séismes symbolisent la violence imminente sous le calme apparent. 

**

Au mois d'octobre 1993 le président hutu fut assassiné par l'armée; les massacres commencèrent , la violence gagna le pays. L'Impasse de Gabriel resta encore épargnée ; les jeux et les escapades continuaient pour lui et ses amis. 

Cependant, un vol de mangues dans le jardin de Francis provoqua la violente vengeance de ce dernier, qui tenta de noyer Gabriel et Gino dans la rivière. Gino avoua sous la menace de Francis que sa mère était morte .Francis orphelin lui aussi s'excusa pour son acte cruel devant Gino et devint son ami. 

 Les massacres et les disputes, comme celle entre Prothé (hutu ) et Innocent( tutsi ), se multiplièrent. Le père licencia Innocent. A l'école il y avait aussi les deux camps: des Hutus et des Tutsis et la situation imposait à chacun de faire partie d'un camp ou de l'autre.

Au mois de février 1994, Gabriel partit en vacances au Rwanda avec sa mère et sa soeur Ana afin d'assister au mariage de Pacifique avec Jeanne, une jolie rwandaise. L'atmosphère entre les Hutus et les Tutsis était tendue.

Le 7 avril 1994 les deux  présidents hutus celui du Burundi et du Rwanda furent tués en avion, dans un attentat, événement qui déclencha le génocide des Tutsis (tenus pour responsables),  par les Hutus, au Rwanda.  En juillet, après 3 mois de massacres, le FPR prit  le dessus sur le gouvernement génocidaire , en déroute. Alors la mère de Gabriel partit au Rwanda à la recherche de sa famille. 

Le génocide du Rwanda rejaillit sur le Burundi: il  exacerba la  vengeance que les Tutsis exercèrent contre les Hutus.

L'évolution de la bande d'amis se poursuivit désormais sous l'influence de Francis, qui voulait en faire un gang. Cette fascination de Gino et de Francis pour la violence et la vengeance , amena  Gabriel à s'éloigner d'eux et à fréquenter une voisine qui lui prêtait  des livres.

L'insécurité s'installa; la violence se banalisait. 

Au Rwanda , Yvonne retrouva tous les membres de sa famille  morts sauf sa soeur qu'elle alla chercher au camp de réfugiés de Bukava (Zaïre) . Elle ne la trouva pas, mais rencontra Jacques qui la ramena en voiture à Bujumbura, chez le père. 

La mère plongea dans la dépression et racontait chaque soir à sa fille les horreurs du génocide qu'elle avait vues. Gabriel raconta à son père ce que la mère infligeait à Ana et la dispute entre les parents éclata . Yvonne disparut de la maison. 

Un jour,  cinq  Tutsis armés  pénétrèrent dans la maison de Gabriel et menacèrent Prothé (hutu) et demandèrent à la famille de quitter le Burundi , car ils accusaient les Français d'être complices du génocide au Rwanda. Cette menace acheva de tuer l'enfance du narrateur. Mais les livres de la voisine de Gabriel lui offraient une échappatoire. 

Plus tard , Francis conduisit Gabriel auprès d'un gang tutsi dirigé par Innocent( l'ancien employé du père). Sous la pression du gang , Gabriel lança un  briquet dont la flamme immola un Hutu, ligoté dans un taxi.

Les violences s'intensifièrent , la population fuyait massivement. Gabriel et Ana quittèrent le Burundi afin de rejoindre  une famille d'accueil en France. 

L'analyse

 Petit pays est un roman autobiographique mais aussi un roman d'apprentissage et d'initiation dans lequel le jeune Gabriel bascule dans le monde adulte. Il maîtrise peu à peu sa peur et accepte la séparation de ses parents. Il découvre la réalité violente et s'initie à l'Histoire et à la politique, à la violence et à la mort. 

 L'auteur aborde dans son texte plusieurs grands  thèmes: celui  de l'enfance ( "Je pensais être exilé de mon pays. En revenant sur les traces de mon passé, j'ai compris que je l'étais de mon enfance");  du génocide (Petit pays retrace les étapes qui amènent des individus paisibles à devenir violents en paroles et actes); de la migration et de l'exil (le père, Jacques, Mme Economopoulos ont choisi de migrer en Afrique pour travailler mais la mère,  Gabriel et sa soeur  ont connu l'exil ou le départ forcé); du post-colonialisme en Afrique (Jacques symbolise la mainmise violente de la Belgique sur le Zaïre, le père, français, fait travailler les autochtones pour lui); de la lecture et de l'écriture (Gabriel découvre grâce à sa voisine, Mme Economopoulos les livres , l'auteur insère dans le roman 5 lettres, une citation de Jacques Roumain, du dialogue ). 

 Les thèmes du génocide, de la migration, de l'exil, du post-colonialisme de Petit pays m'ont apporté  des connaissances importantes sur le monde  extérieur. Mais c'est du thème du livre et de l'écriture que j'ai tiré un  profit plus intime.

* J'ai appris qu'il est très important de trouver au plus tôt (à 2-3ans) un guide qui nous fasse découvrir petit à petit le monde mystérieux des livres.

Chanceux, Gabriel le trouva à 11 ans : c'était sa voisine,  Mme Economopoulos qui remplaça aussi sa mère absente.  Un jour, cette voisine invita Gabriel dans son salon et lui,  fut attiré par sa grande bibliothèque. Elle lui expliqua qu'elle avait lu tous les livres de sa bibliothèque. Ces livres étaient les grands amours de sa vie. Ils l'avaient  fait rire, pleurer, douter, réfléchir, l'avaient  changée, avaient  fait d'elle une personne meilleure.

* J'ai retenu qu'un livre  nous fait vivre des émotions ou nous  invite à réfléchir , il peut nous changer , changer notre vie . Comme un coup de foudre! Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. 

Cette dame lui prêta un livre qu'il se mit à lire, le soir, dans son lit. C'était l'histoire d'un pêcheur , d'un petit garçon et d'un gros poisson. Au fil de la lecture son lit se transforma en bateau, il entendait le clapotis des vagues tapant contre le bord du matelas, il sentait l'air du large et le vent pousser la voile de ses draps.  Et puis, elle lui prêta un autre livre, et la nuit suivante en le lisant, il entendait le bruit des fers, qui se croisaient, le galop des chevaux, le froissements des capes de chevaliers, le froufrou de la robe en dentelle d'une princesse. 

* J'ai appris que les livres d'aventures enflamment  et développent notre imagination .

Chaque fois Mme Economopoulos voulait savoir ce qu'il pensait du livre lu. Au début, Gabriel lui racontait brièvement l'histoire, quelques actions significatives, les noms des lieux et des protagonistes. Et puis , il commença à lui dire ce qu'il ressentait, les questions qu'il se posait , son avis sur l'auteur ou les personnages. Grâce à ses lectures il avait aboli les limites de son quartier, le monde s'étendait plus loin. Il n'avait plus envie d'écouter ses copains parler des Hutus et des Tutsis;  il a pu se construire une bulle de bonheur au milieu de la guerre qui déchirait son pays. 

*J'ai appris qu'il faut  résumer les livres lus,  analyser les thèmes y aborder ce qui, à la longue nous permettra de parler "d'une infinité de choses tapies au fond de nous même" et d' identifier nos goûts, notre manière de voir et de restituer l'univers .

Mme Economopoulis et Gabriel se mettaient dans le jardin et discutaient, pendant des heures, des livres. Elle lui donnait confiance en lui, ne le jugeait jamais, avait le don de l'écouter et de le rassurer. Et avant de partir vers la France , Gabriel alla dire au revoir à Mme Economopoulis . Elle lui prodigua d'intarissables conseils: veiller sur ses jardins secrets, devenir riche de ses lectures, de ses rencontres, de ses amours et ne jamais oublier son pays! Elle lui donna un poème de Jacques Roumain (poète haïtien ,1907-1944): "Si l'on est d'un pays, si l'on y est né, comme qui dirait : natif natal, et bien, on l'a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres , le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes." 

En fait, écrire Petit pays fait figure de réponse venant prouver qu'il n'avait rien oublié.

Bref , lecteur, Petit pays est un livre écrit avec l'âme d'un être humain qui a dû surmonter des épreuves terribles. Le drame de sa vie commence avec la séparation des parents, continue avec le génocide et finit par l'exil. Tous ces moments dramatiques ont marqué son coeur sensible. Et dans le chaos qui l'entourait,  soudain apparut  un rayon de soleil : Mme Economopoulis, amoureuse de la littérature. Elle lui ouvrit une fenêtre vers le monde fascinant des livres qui l'éloigna du tragisme de sa vie et lui procura des joies inoubliables. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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23 février 2024

Arturo Pérez-Reverte, Deux hommes de bien

arturo

Lecteur , vous êtes mon semblable, car nous avons cette  même fantastique capacité de penser et de parler mais vous n'êtes  pas mon identique...

En effet, l'autre est mon semblable mais pas mon identique ; l'homme est une synthèse d'universel et de particulier.  Sa particularité, sa singularité fait que quelque chose en lui m'échappe: je ne peux pas savoir ce qu'il pense ou ce qu'il ressent. D'où le rapport que j'entretiens avec lui, repose sur la confiance. C'est cette foi qui donne sens à l'existence humaine. 

Ayez , donc, confiance en moi! Il faut étudier et lire pour développer cette capacité de penser jusqu'à la perfection! Visons les sommets! 

 

Voilà un  beau roman d'aventure,   qui rappelle le roman de  cape et d'épée, car il a une couleur historique et met en scène des personnages courageux , batailleurs, chevaleresques , et un duel.  Un roman très complexe mais  palpitant avec du suspense et instructif,  intitulé Deux hommes de bien d'Arturo Pérez-Reverte. 

 

Arturo Pérez-Reverte, né en 1951 à Carthagène,  Espagne, est un écrivain, scénariste et ancien correspondant de guerre. Avec 15 millions de livres vendus dans le monde entier et traduits dans 40 langues, plusieurs de ses romans adaptés au cinéma et à la télévision, il est l'auteur espagnol le plus lu . Il est membre de l'Académie royale d'Espagne.

 

Genèse: Un jour, en fouillant dans la vieille  bibliothèque de son Académie, Arturo tombe, par hasard sur  l'Encyclopédie . Dès lors, il se met  à imaginer quel chemin avaient pu emprunter ces exemplaires avant d'aboutir sur les rayons de la bibliothèque de l'Académie.    Il décide de faire des recherches  et d'écrire ce roman, pour partager ses intéressantes trouvailles avec nous ,  les lecteurs. 

Rappel:  L'Encyclopédie, ouvrage majeur du siècle des Lumières (composé de 72000 articles, écrits par plus de 140 collaborateurs),  synthèse inégalée de toutes les connaissances du XVIIIe siècle, instrument de combat intellectuel et de liberté,    a été éditée de 1751 à 1772 sous la direction de Denis Diderot et , partiellement , de Jean le Rond d'Alembert.  S'attaquant  aux dogmes véhiculés par la monarchie et l'Eglise, elle est censurée et son histoire éditoriale est semée d' embûches. Cet extraordinaire ouvrage invite le lecteur à "penser par lui-même" ! 

Résumé 

L'auteur s'inspire d'un fait historique réel, mineur : à Madrid , dans les années 1780 deux académiciens espagnols reçoivent mandat de se rendre à Paris et d'en rapporter un exemplaire original de l'Encyclopédie. Elle est emblématique du mouvement des Lumières , qui se propage dans toute l'Europe.  L'intention est que chacun puisse accéder à une connaissance ouverte,  fondée sur la raison, l'échange des idées et l'observation expérimentale, par opposition à l'obscurantisme et l'intolérance , privilégiés alors par la religion et la monarchie.

Ce livre est le récit d'une double aventure: celles de deux académiciens en mission très spéciale et celle de l'écrivain , visiblement passionné par son sujet, qui partage avec nous ses réflexions, ses recherches  et ses voyages qui lui ont permis de reconstituer le plus fidèlement possible le décor et la substance de ce roman. 

Arturo Pérez-Reverte nous divulgue les secrets de son travail d'écrivain. Sachez que tout écrivain possède d'abord une âme d'artiste, de créateur , il est doté d'une grande imagination et maîtrise parfaitement la langue! De même, il effectue de nombreuses recherches sur le sujet de l'écrit qu'il compte produire.

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Nous sommes à la fin du XVIIIe siècle, en Espagne et l'Académie royale vote l'acquisition de l'Encyclopédie,  interdite par l'Inquisition et la papauté  mais autorisée par le roi Charles III,  et elle procède ensuite à l'élection des deux académiciens : le bibliothécaire et l 'Amiral qui iront la chercher à Paris. Ces "deux hommes de bien", un peu âgés, forment un duo attachant  : l'Amiral est grand, mince aux yeux bleus,  soigné, sobre , courageux, il parle bien le français, il a l'habitude de voyager, et le bibliothécaire , lui, est un homme petit, rond, aux yeux marron, débonnaire, plus fragile.  Un discret coup d'oeil à Don Quichotte et Sancho Pança ,  héros mythiques espagnols! 

Quelques académiciens s'opposent à ce projet ; deux d'entre eux , s'allient pour  le faire échouer et financent un  truand fiable pour cela. Les académiciens voyagent dans une berline et l'espion, un nommé Pascual , les suit à cheval. 

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L'auteur recrée , minutieusement, le voyage de Madrid à Paris, l'atmosphère prérévolutionnaire de Paris et le retour Paris-Madrid. Ce sont les trois grands moments du roman. 

Le bibliothécaire et l'Amiral font des adieux à leurs proches , ils s'assoient sur les coussins moelleux ,  le cocher monte leurs bagages sur le toit de la berline et l'aventure commence. A cette époque , les routes ,en Espagne, sont pleines de malfaiteurs; règne l'insécurité. Alors, par prudence, ils voyagent avec une autre diligence, occupée par une veuve et son fils. Toutefois, ils sont attaqués par des détrousseurs , la bataille a lieu et ces derniers , vaincus,  prennent la fuite. Ensuite, nos protagonistes avancent, sous la pluie,  vers la frontière,  la franchissent , passent par Angoulême, Tours, Poitiers et arrivent, enfin ,à Paris. 

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Ils  logent à l'hôtel de la Cour de France, ils sont reçus par l'ambassadeur d'Espagne qui ne peut pas les aider à acquérir l'Encyclopédie parce qu'elle est mise à l'index par le Saint Office. Par chance, le secrétaire de l'ambassadeur  leur présente l'abbé Bringas , un compatriote exilé,  qui peut les aider à trouver ce qu'ils cherchent. Quant à Pascual , leur poursuiveur, il habite au modeste  hôtel du roi Henri et rencontre son complice Milot, policier qui le tiendra informé de tout ce que feraient les académiciens.

Les académiciens, guidés par l'abbé, découvrent avec émerveillement  les rues de la capitale française , ses  librairies,  ses cafés , ses salons, ses moeurs libertines et ses agitations politiques, ils  y rencontrent des hommes éclairés, ainsi que des femmes intelligentes, élégantes et quelque peu libertines.

Ainsi l'abbé  conduit les académiciens dans de nombreuses librairies,  mais l'Encyclopédie est introuvable. Un soir, ils sont reçus dans le salon des Dancenis, Monsieur Dancenis possède l'Encyclopédie et il la leur montre. Dans le célèbre café Procope, ils font la  connaissance de Condorcet, de d'Alembert, de Franklin et ils parlent  de la révolution qui se préparait en Amérique et pensent  que la vieille Europe n'aurait pas besoin d' armes autres que celles des livres et des paroles , pour conquérir la liberté. Les académiciens et l'abbé se promènent beaucoup dans les rues de Paris et un jour,ils rencontrent Margot Dancenis, flanquée de son amant et de Laclos. Ils discutent et l'amant se sentant lésé par l'Amiral, le provoque en duel.  Il s'en sort avec une petite blessure à l'épaule,  cependant ,ce duel prouve qu'en France on se battait en duel, pour un rien. 

Enfin, la bonne nouvelle arrive: Monsieur Dancenis trouve une Encyclopédie pour les académiciens. La veuve d'un ancien ami la vend, à 1500 livres. Les académiciens sont contents. Il ne leur reste qu'à  retirer cet argent de la banque, le lendemain de l'annonce. 

Par une fâcheuse coïncidence, l'Amiral est  invité chez Margot Dancenis;  l'abbé et le bibliothécaire sont obligés d'aller seuls à la banque. Quelle aubaine pour  Pascual et Milot ! Ils sont au courant de tout, les attaquent , s'emparent de l'argent et s'enfuient. 

Aussitôt, l'abbé et le bibliothécaire rejoignent l'Amiral , comme prévu, et tous les trois vont à l'Ambassade pour demander à l'ambassadeur les 1500 livres. Grâce à l'éloquence du discours de l'Amiral, ils obtiennent l'argent souhaité, ils retournent chez la veuve et achètent l'Encyclopédie. Mission accomplie!

Le lendemain , les 28 volumes de l'Encyclopédie bien emballés et attachés sur le toit de la berline, les académiciens remercient l'abbé et quittent Paris.

C'est sur le chemin du retour que Pascual doit impérativement, agir pour empêcher le projet! 

**

Au retour, les académiciens passent par Orléans, Blois, Tours Poitiers, Angoulême, Bordeaux sans accrocs . C'est dans le site La Gorge aux loups , où ils font halte, qu'ils ont un gros problème. Pascual s'arrête aussi. Il a un ami dans le village qui va dénoncer les académiciens comme espions. Ils passent une nuit en prison et  attendent que le chevalier du château décide de leur situation, le lendemain. Pendant ce temps, Pascual charge les 28 volumes sur le dos de son cheval et d'une mule et s'en va. Le chevalier comprend la tromperie, s'excuse devant les académiciens. On donne la chasse au voleur, on l'approche , on tire, il se défend , tue le sergent et le garde,  mais finalement Pascual abandonne les livres et s'enfuit. 

Quelques jours plus tard, à l'Académie, tous  félicitent leurs courageux collègues pour avoir réalisé ce projet, malgré tous  les obstacles rencontrés.

Analyse  Les principaux personnages dialoguent beaucoup et nous informent sur l'atmosphère du siècle des Lumières.

Lors de leur voyage, nos protagonistes constatent que la France est un pays fertile gâté par la nature : il y a des cours d'eau abondants et de vertes campagnes tandis que l'  Espagne, avec ses étendues caillouteuses et  sèches, est condamnée à la pauvreté. De même, les routes en Espagne sont pleines de malfaiteurs; il y a insécurité mais cela ne pose pas de problème à la noblesse  qui  va au théâtre, fréquente les palais royaux, flâne sur le Prado. 

Le poids de l'Eglise en Espagne est considérable. Elle interdit les distractions (veillées, bals, danses,  concerts..)  et la diffusion du livre qui est un privilège réservé aux élites  , elle empêche la création d'une Académie des sciences  mais tolère  l'esclavage, la traite des nègres, les mises à morts dans les arènes, les exécutions en place publique.

En France, le métier du livre  rapporte et crée des richesses : les livres pornographiques rapportent beaucoup. Mais cette fantastique liberté d'esprit entraine la  liberté des moeurs et Paris ,à cette époque ,compte plus de 30 000 filles publiques auxquelles s'ajoutent les putains protégées, comme les filles de l'Opéra, les maîtresses entretenues. Les femmes riches ont des amants, exercent leur empire sur leurs maris et ont une incidence sur la politique. La galanterie  fait bon ménage avec le duel qui est réservé aux élites, aux nobles. Et , en France ,on se bat en duel pour un rien sans penser aux conséquences : orphelins, veuves. 

Quant aux  pauvres, ils ne s'intéressent qu'à mangeaille, beuverie, bagarres, ronflette et procréation. Résignés, ils se contentent du peu qu'ils ont. 

La révolution est déjà dans l'air , mais elle ne viendra pas du peuple pauvre, analphabète ni des riches. Elle viendra des imprimeurs,  journalistes, écrivains. De ces petits écrivains sans talent qui ruminent leur haine contre leurs confrères , lesquels, selon eux, les privent de la reconnaissance qu'ils estiment mériter. Un de ces écrivains est l'abbé Bringas, personnage aigri, radical , étouffé par les rancoeurs. Il prêche la révolution française qui lui permettra de régler ses comptes ... avant de le conduire à l'échafaud à son tour. 

 Bref, lecteur, ce livre nous permet d'affiner nos connaissances sur la France et l'Espagne du  XVIII e siècle et il nous rappelle l'importance de la lecture ("Nul ne peut être sage sans avoir lu au moins une heure par jour !")

et de la vertu ("Quiconque aura bien médité ses devoirs et les aura fidèlement pratiqués jouira d'un bonheur véritable durant sa vie . Une vie ornée de vertus est nécessairement heureuse! ").

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

16 février 2024

HARUKI MURAKAMI, Kafka sur le rivage:

murakami

Lecteur, mon frère, mon semblable,

Il faut lire, lire, lire! Toutefois, "la vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir , mais pour se chercher soi-même" ! Pour se connaître ! Pour  apprendre , finalement à aimer! 

Et... de toute évidence,  " Dans la lecture solitaire, l'homme qui se cherche lui-même a quelque chance de se rencontrer. (Georges Duhamel) 

Au-delà de la découverte personnelle, la lecture devient encore plus magique lorsqu'elle est partagée. Lecteur, écoutez moi bien! 

L'auteur de ce  roman vous ensorcelle et vous transporte dans un univers  fantastique, d'où vous sortez complétement changé, enrichi intérieurement. Meilleur! Faisons connaissance avec l'auteur et puis je vous donnerai mes impressions sur ce fascinant livre! 

 

Murakami est un écrivain japonais contemporain, né en 1949 à Kyoto. Fils de professeur de littérature japonaise, il grandit en compagnie de ses chats et de ses livres. Il se lance dans des études de théâtre. Un jour il a la révélation qu'il serait capable d'écrire un roman. Sa carrière d'écrivain commence et il est maintenant un des auteurs les plus lus , dans le monde. 

Son style est inimitable: il s'inscrit dans la littérature portmoderniste et le réalisme magique , frôlant le fantastisque et la science-fiction. Choisissant des protagonistes isolés, il parvient à décortiquer l'âme humaine pour faire voyager ses lecteurs au plus profond d' eux-mêmes. 

Il aborde des thèmes existentiels, comme la solitude, , les problèmes de communication ou les questions d'ordre sexuel.

Les différentes passions de l'auteur sont disséminées dans ses oeuvres: on trouve ainsi beaucoup de références musicales et littéraires et une grande présence des chats. 

Haruki Murakami,  Kafka sur le rivage

* D'abord, quand je lis, je prends beaucoup de notes et puis je relis mes notes, je lis sur internet les comptes rendus des autres sites sur mon livre.

* Ensuite je me pose des questions sur l'auteur, sur le genre littéraire auquel appartient le livre, sur son titre. Ici le titre renvoie à Kafka( 1883-1924)  écrivain tchéque ,juif, d'expression allemande, né à Prague.( Kafka , en tchéque veut dire corbeau. ) Ses influences culturelles contradictoires (slaves, allemandes, juives) font de lui un être désespéré et solitaire. Il dépeint une oeuvre étrange et angoissante. J'ai lu La Métamorphose , roman  qui ouvre plusieurs portes de réflexion sur des sujets de premier ordre comme la dépendance, le travail, les rapports sociaux et la famille. La Métamorphose est l'émouvant récit de la déshumanisation de Gregor, transformé en insecte et progressivement privé de tout.. 

Et Kafka sur le rivage, dans ce roman c'est le titre d'une chanson à succès et d'un tableau! 

* Et enfin pour trouver le sens du livre je me pose ces questions:

1) Qui parle?    2) De quoi parle-t-il ?   3) Dans quel but?     4)  Quels effets cherche l'auteur à produire sur le lecteur?  

Murakami, auteur japonais raconte 2 palpitantes histoires fantastiques et tragiques : celle de Kafka Tamura, jeune de 15 ans, qui fuit sa maison de Tokyo pour échapper à la prophétie que son père a prononcée contre lui (tu tueras ton père, coucheras avec ta mère et violeras ta soeur) ; et celle de Nakata, vieil homme simple d'esprit, qui décide de prendre la route, attiré par une force qui le dépasse.

Lancés dans une vaste odyssée, nos héros vont faire des rencontres importantes (Kafka rencontre Oshima son mentor...Nakata rencontre le jeune Hoshino qui l'aidera à accomplir sa mission... )  et vivront des expériences incroyables. Leur destin converge vers le même lieu, la bibliothèque privée Komura de Takamatsu et la même personne Mlle Saeki, directrice de la bibliothèque. 

Quant au  but de ce livre, il ne s'agit pas de comprendre ce qui se passe mais de suivre le chemin intime des personnages et  leur interrogation sur le sens de la vie.

L'auteur nous introduit dans un univers fantastique et  inspire la terreur et la pitié comme dans une vraie tragédie.

***

  D'ailleurs le roman commence avec un prologue( comme dans la tragédie grecque), suivi de 49 chapitres où les deux histoires s'entremêlent.  Le prologue est un monologue ou une scène dialoguée qui expose l'action, en explique les enjeux. Ici Kafka dialogue avec son double le garçon Corbeau. Nous apprenons que le héros prépare une fugue vers une  bibliothèque d'une ville inconnue. Mais, s'il veut s'en sortir , il doit s'endurcir, comme dit Corbeau.  Parfois, le destin ressemble à une tempête de sable qui se déplace sans cesse, sans fin parce qu'elle  n'est pas un phénomène venu d'ailleurs, elle vient de l'intérieur de soi ! 

* L'histoire de Kafka est très émouvante. Sa mère l'a quitté lorsqu'il avait 4 ans et son père est riche mais  insensible, "une sorte d'extraterrestre " . Est-ce que vous pouvez vous imaginer  un enfant grandir sans amour? Et la blessure qu'il porte en lui ? Je vous laisse découvrir ce personnage exceptionnel : lecteur assidu,  féru mélomane,  sportif. 

* L'histoire de Nakata est celle d'un exclu qui vit en marge de la société et qui parle avec les chats. 

Mais mon personnage préféré, de ce livre ,c'est un personnage secondaire: le jeune Hoshino, fils de paysans, mal aimé, devenu délinquant et sauvé par son papi qui le met sur le chemin de l'honnêteté. Et puis la rencontre avec Nakata l'élève vers les hautes sphères de l'art. 

  Nakata faisait de l'auto-stop pour aller à Takamatsu afin d'accomplir sa mission.  Hoshima, chauffeur routier le prit dans son camion et puis il décida  de l'accompagner jusqu'à la destination. Nakata lui rappelait son grand-père, le seul de la famille qui s'inquiétait pour lui. Le grand-père lui avait donné envie de mener une vie honnête. 

Maintenant, Hishino se sentait bien à côté de Nakata, sans savoir pourquoi. Depuis qu'il le suivait , il prenait conscience que son existence n'avait aucune profondeur réelle. Il était une sorte d'accessoire inutile. Par exemple, il était un grand supporter des Chunichi Dragons, équipe de baseball . Mais en quoi leur victoire sur les Yomiuri Giants allait-t-elle contribuer à le rendre meilleur? En rien, bien sûr..Pourquoi soutenait-il cette équipe avec une telle passion?

Auprès de Nakata, Hoshino  découvrit le plaisir de lire , d'écouter la musique classique( Beethoven,  Haydn).  Et cette rencontre avec la musique classique était à ses yeux un événement de la plus haute importance. Il se demandait si la musique avait le pouvoir de transformer les gens.  Autrement dit, est-ce que le fait d'écouter une certaine musique à un moment particulier pouvait changer quelque chose  en vous de façon radicale? Oui, la musique c'est important! Comme disait Berlioz "Si vous n'avez jamais lu Hamlet , au cours de votre vie, c'est comme si vous l'aviez passée au fond d'une mine de charbon".

Aussi , il  se rappela l'époque de son enfance, quand il allait à la rivière pour pêcher. C'était une époque sans souci et un beau jour, tout s'était arrêté. Et la vie le réduisit à n'être personne. L'homme naît pour vivre, non? Et pourtant, plus le temps passait, plus il perdait ce qui constituait son noyau intérieur jusqu'à l'impression d'être devenu complétement vide. Plus il deviendrait vide , moins il aurait de valeur. Pouvait-il faire quelque chose pour changer? Oui! C'était fait!

Hoshima était  persuadé qu'en 10 jours, Nakata a changé sa vie. Le jeune homme avait le sentiment d'être complétement transformé. Il regardait d'un oeil neuf les choses auxquelles il ne prêtait aucune attention  auparavant. Comme cette musique classique qui ne l'interessait pas et qui,maintenant, lui va droit au coeur. 

Lecteur, il y a donc des rencontres avec  de bons livres ou des personnes exceptionnelles qui peuvent changer votre vie! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

9 février 2024

Stefan Hertmans, Le coeur converti: une histoire d'amour tragique

 coeurLecteur , mon semblale , mon frère,     Les hommes ont un désir naturel d'apprendre comme dit Aristote! Désirer vient du latin desiderare composé de "de" (valeur privative) et sidus " astre" et signifie " constater l'absence ou le manque de ".

Selon Saint Augustin : "Le désir d'apprendre est une des pulsions fondamentales des humains à côté du désir sexuel et du désir de dominer."

Il est évident qu'on apprend beaucoup, en lisant. Et "Chacune de nos lectures   laisse un grain qui germe" (Jules Renard)

Que m'apprend ce livre de Hertmans? Des choses sur l'amour,  sur le Moyen Age et d'autres que je vais partager avec vous. 

Stefan Hertmans, Le coeur converti (publié en 2018)

Ce roman raconte une histoire réelle et tragique d'amour entre DAVID  et HAMOUTAL, lui juif et elle catholique, histoire qui date  de l'époque médievale( le XIe siècle) . David en hébreu veut dire "bien-aimé" ; Hamoutal, prénom hébreu, veut dire "chaleur de la rosée" .

Rappelons  les plus belles histoire d'amour dans la littérature: l'histoire d'Orphée et d'Eurydice dans la mythologie gréco-romaine (dans Métamorphoses d'Ovide); la légende de Pyrame et de Thisbé ( rapportée par Ovide); au Moyen Age, l'histoire de Tristan et d' Iseut ( de Thomas et Beroul) et celle d'Héloïse et d'Abélard (Rousseau  s'en inspire pour écrire  Julie ou la nouvelle Héloïse) ; à la Renaissance, l'histoire de Roméo et Juliette de Shakespeare.

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Stefan Hertmans, né en 1951, écrivain belge, achète dans les années 2000, une maison de vacances à Monieux, hameau du Vaucluse. Un voisin lui apprend que le village avait abrité à l'époque médiévale (au XIe siècle) un couple mixte (David, juif et Hamoutal,  catholique), en cavale.

Alors, l'auteur part à la recherche d'indices sur le périple des amants, ce qui le conduit à écrire ce beau roman. Il y mêle enquête et biographie et nous promène entre le XXIe siècle et le XIe siècle. Donc il se met en scène dans le roman, en train de faire son enquête et raconte ses découvertes sur l'histoire de ce couple. Le coeur converti est un roman d'amour et à la fois un roman historique.   

Hamoutal est née en 1070, à Rouen, où vit une importante communauté juive. Son père descend des Vikings, sa mère d'une famille fortunée d'Arras et ils sont catholiques.  La fillette est blonde avec les yeux bleus et on l'appelle Vigdis qui signifie "déesse du combat". Elle reçoit un enseignement à la maison, apprend à lire, à écrire, l'éloquence, les bonnes manières. A 17 ans, elle passe souvent avec sa gouvernante à côté de l'école juive et échange des mots avec les élèves se trouvant dans la cour.

Un jour elle voit un nouveau, David, le fils du grand rabbin de Narbonne,  venu étudier à Rouen et ... tombe éperdument, amoureuse de lui. L'amour entre un juif et une catholique étant interdit à cette époque , les parents de Vigdis l'enferment dans un couvent. Alors Vigdis abandonne tout !  ses parents, sa sécurité et s'enfuit avec David à Narbonne. Le père de Vigdis envoie à leur poursuite des chevaliers armés, censés  la ramener à la maison. 

Les jeunes font 900 km à pied , passent par Evreux, Orléans, Bourges, Clermont Ferrand, Millau, Béziers pour arriver à leur destination: Narbonne. Après Evreux dans un bois accueillant de Saint-Vincent, ils font l'amour pour la première fois, mais dans un autre bois, aux fourrés impénétrables, après Bourges, ils se font attaquer par 3 vagabonds. Ils s'en sortent: lui blessé et elle violée. A Clermont Ferrand , dans la basilique Notre-Dame du Port, la fugitive prie et demande pardon pour sa conversion.

C'est ici, que viendra en 1094, le pape Urbain II , prier la veille de son appel à la première Croisade, prononcé en dehors de Clermont Ferrand. La croisade est une "guerre sainte" ayant pour but de libérer Jérusalem ,occupé au 7e siècle, par les musulmans. Le pape espère ressouder le monde chrétien, en brisant la paix relative entre juifs, chrétiens et musulmans. L'antisémitisme est légitimé. Il faut tuer les juifs qui ont tué le Christ.

A Narbonne, David et Hamoutal sont bien reçus; ils se marient; ils y passent quelques mois tranquilles. Mais un jour, les chevaliers normands arrivent, eux aussi , à Narbonne  et les cherchent furieux. Alors, les jeunes mariés commencent leur deuxième  fuite vers Monieux, village du Vaucluse, où vit une communauté juive. Ils y arrivent, épuisés mais sains ,en 1091.

Les années passent, ils sont bien à Monieux,  ils ont déjà 3 enfants, leur maison, mais , en octobre 1096  l'armée provençale des croisés conduite par Raymond de Toulouse , en route vers la "Ville Sainte", passe près de Monieux. "Ce n'est pas un ennemi extérieur mais une armée issue du peuple. C'est un ennemi qui se cache dans les coeurs nourris par des années de réglements de compte, des vengeances entre voisins, des reproches incessants, de fables sur les juifs à propos d'infanticide, de cannibalisme."..

 Les croisés arrivent à la porte du village Monieux, ils y frappent fort; ils ont besoin de nourriture pour 200 élites. Il n'y a pas assez de nourriture et les chevaliers s' emportent, font tapage, ils commencent à malmener et tuer les juifs . Un carnage commence et dure jusqu'au matin quand l'armée se remet en marche vers l'est. David perd sa vie et ses grands enfants sont faits prisonniers. Il ne  reste à Hamoutal que son bébé.

Le bébé dans ses bras, au printemps de 1097 elle part  vers Jérusalem, chercher ses grands enfants. Le rabbin Joshua Obadiah de Monieux, son protecteur, lui donne une lettre de recommandation qu'elle garde précieusement. Elle fait le trajet jusqu'à Marseille à pied et de là s'embarque pour Gênes , puis Palerme , Alexandrie et de là prend une caravane, puis un bateau et arrive ,sans le bébé qui meurt en route, à la synagogue Ben Ezrn de Fustat (ancien Caire). 

 Elle donne  sa lettre au rabbin (qui la jette dans la Guenizah) et s'y établit , se remarie avec la gaon (ou majesté) Shamuel et met au monde un autre enfant. Son bonheur n'est pas de longue durée car en apprenant que ses deux premiers enfants sont vivants et se trouvent chez ses parents, elle s'enfuit avec son bébé et revient sur le même chemin (Alexandrie, Palerme, Gênes, Marseille)  à Narbonne où elle retrouve le rabbin Joshua Obadiah.

[Remarque : Guenizah du Caire ( ancien Fustat) est un dépotoir d'environ 200 000 à 400 000 manuscrits juifs datant de 870 à 1880. ]

 

Ce dernier l'accompagne sur son chemin vers Rouen. Mais, hélas!  deux chevaliers normands la reconnaissent , dans une auberge, l'arrêtent et sont prêts à la faire brûler sur le bûcher. Obadiah la rachète , elle échappe de peu à la mort mais pendant la nuit, elle s'enfuit avec son bébé. Après cette terrible expérience avec le bûcher, elle se méfie de son père qui, sûrement,  ne la pardonnera pas. Elle arrive, malade, folle, sans bébé, à Monieux et vivra le reste de sa vie ,dans une grotte comme une bête sauvage. Elle  meurt en 1100. Obadiah envoie une lettre au rabbin Fustat pour annoncer son sort. Celui-ci la jette dans le Guenizah. 

Stefan Hertmans refait le chemin de Hamoutal: Rouen, Evreux, Orléans, Bourges, Clermont Ferrand, Béziers, Narbonne, et puis Marseille, Gênes, Palerme, Alexandrie, Le Caire où il visite  le Guenizah et apprend que les lettres concernant cette histoire sont conservées à l'université de Cambridge. 

Triste conclusion  Un amour pur ,sublime  détruit par cette meurtrière "guerre sainte" , du Moyen Age! Et combien d' autres vies   innocentes a-t-elle encore anéanti? Et mille ans après la guerre ,ce monstre, avide de sang est toujours là! 

 Lecteur, qu'en penses-tu?  Où sont-elles les lumières que prônait Kant? Nous ne sommes pas encore sortis des ténèbres!

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

31 janvier 2024

OGAWA Ito, LA PAPETERIE TSUBAKI : l'histoire d'une orpheline

  

papeterie

Lecteur , mon semblable, mon frère,   Tous, nous  sentons l'ardente nécessité de tout savoir( ou de s'humaniser) , n'est-ce pas? 

 -Mais comment faire ? 

-Etudier et apprendre!

Etudier c'est acquérir des connaissances aux moyens des LIVRES  ; apprendre c'est acquérir des connaissances par l'étude ou par l'expérience. En étudiant beaucoup, on sort de notre dimension animale, on s'humanise et on espère atteindre notre dimension divine (la perfection!). 

Tout est possible à qui rêve, travaille et n'abandonne jamais. Allons-y! Au travail!

 

La papeterie Tsubaki de OGAWA Ito: un roman psychologique, histoire d'un conflit

Préparons le résumé et  l'analyse  du livre

*D'abord une question générale :"pourquoi lire? "

 

- Dans une oeuvre littéraire on trouve les réponses de l'auteur à certaines questions fondamentales que se pose l'homme( sur le sens de la vie, la maladie, sur l'amour, la violence, la mort..) , on trouve sa vision du monde.

- En lisant des romans, du théâtre, de la poésie on s'instruit, on devient plus intelligent, plus sage, plus habile à résoudre nos problèmes , à s'adapter. La littérature suscite en nous des émotions; elle nous fait sortir des réalités quotidiennes par des mots et des phrases qui pénètrent au fond de l'âme. Car les mots ne sont pas inanimés; même les mots les plus ordinaires de la langue ont un charme, une musique spéciale, selon l'emploi que l'on fait, selon la façon  dont on les accouple. 

*A quel genre littéraire appartient ce livre?  

-Au RECIT. Un récit est une histoire racontée par un narrateur.

Le récit est écrit par une personne réelle appelée : AUTEUR .

Il invente:

-le cadre (époque, lieu)

-les personnages 

-l'intrigue c'est-à-dire l'enchaînement des péripéties qui partent d'un incident ou élément perturbateur, venu modifier la situation initiale des personnages

-le narrateur ou personnage qui raconte : l'histoire(actions des personnages), rapporte leurs paroles (DD, DI) , décrit les personnages et les lieux.

Le narrateur peut être soit un personnage de l'histoire et alors le récit sera à la 1ere personne , soit un personnage extérieur à l'histoire et alors le récit sera raconté à la 3eme personne.

Le narrateur structure le récit en utilisant le schéma narratif: situation initiale, élément perturbateur, péripéties, élément de résolution, situation finale. Il peut raconter l'histoire en ordre chronologique ou procéder à des retours en arrière ou à des anticipations.

Bref, en lisant un récit il faut repérer : 

-le narrateur

-le cadre( époque, lieux)

-les personnages et leurs actions, paroles

-les descriptions 

-le schéma narratif et l'intrigue

et se poser les questions:

-de quoi parle-t-on?

-qu'est-ce qu'on dit?

-dans quel but  

-quels sont les effets que cherche l'auteur à produire sur son lecteur

*Qu'est-ce qu'un roman psychologique

    Le roman psychologique met au second plan la narration  pour favoriser l'analyse minutieuse des sentiments des personnages.  Les personnages  sont aux prises avec des passions ou des aspirations qui les poussent à s'interroger et à se remettre en question.

Le roman psychologique ne fait pas que relater les événements; il explique leur cause et leur finalité. Ainsi, dans la préface à Pierre et Jean, Maupassant indique que le roman d'analyse veut dévoiler "tous les mobiles les plus secrets qui déterminent nos actions, en n'accordant au fait lui-même, qu'une importance très secondaire."  

Exemples des romans psychologiques: Don Quichotte de Cervantes;    La princesse de Clèves de Madame de La Fayette;           Lettres d'une religieuse portugaise de Guilleragues ;     Le Rouge et le Noir de Stendhal  Les frères Karamazov de Dostoïevski;          A la recherche du temps perdu de Proust;      Ulysse de James Joyce;      La promenade au phare de Virginia Woolf;                        La métamorphose de Kafka;  Thérèse Desqueyroux  de François Mauriac;    Voyage au bout de la nuit de Céline; Un,    personne et cent mille de Pirandello.

 Le conflit interpersonnel et le conflit littéraire

Il y a plusieurs types de conflits: 1)  conflit international (entre pays) 2) conflit social (entre les groupes d'un pays), 3) conflit interpersonnels (conflit  d'intérêt, de pouvoir, de valeurs, culturel, familial, de générations), 4) conflit interne ( quand un individu est pris entre 2 désirs contradictoires). 

                              Comment on arrive de la DISPUTE (ou désaccord) au CONFLIT!

*Le terme "dispute" a, peu à peu,  perdu son premier sens de "discussion" au profit de "querelle" ou "désaccord". 

*Désaccord : fait de ne pas être d'accord, divergence d'opinions (intellectuelles, morales, politiques..).

*Conflit vient du latin, conflictus "heurt, attaque"; il est composé de con "ensemble" et fligere "heurter". 

Le désaccord est inhérent aux relations humaines. Dans le couple, au travail, entre les voisins ...les oppositions sont souvent inévitables. Le fait de ne pas être d'accord et d'avoir des opinions différentes sur une question quelconque, c'est NORMAL, et peut être une occasion d'apprendre , de progresser ou d'améliorer une situation, ce qui est constructif, enrichissant. 

Seulement, il faut que la discussion soit menée avec maîtrise émotionnelle, gentillesse, compréhension et dans le respect des opinions de chacun. 

Cependant, lorsque les opinions sont transmises de manière violente (colère, cris, pleurs, insultes, menaces...) la DISPUTE (désaccord) se transforme en CONFLIT( la somme de toutes  ces émotions de colère, peur, haine, qui bouillonnent en nous). Il est difficile de le surmonter et il nous empoisonnera la vie plusieurs jours voire années et détruira notre santé.

Il n'y a qu'une seule solution rapide: le PARDON ici et maintenant! Et, à la longue, s'instruire continuellement, pour devenir plus sage ( calme, dous, délicat, aimable, joyeux..) Pour avoir la paix en soi et la répandre autour! 

Enfin,  André Malraux, lui croit que : " Le plus étonnant n'est pas l'incompréhension entre les individus, mais que, compte tenu des espaces infinis qui les séparent, ils parviennent parfois à se comprendre". 

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Le conflit est important dans la littérature. Un écrivain introduit un conflit afin d'atteindre l'objectif de résoudre le conflit , et ainsi, divertir et d'instruire ses lecteurs.

Le conflit littéraire est tout type de défi, de lutte ou obstacle que les personnages doivent surmonter. Il existe 6 types de conflits: 1) conflit personnage contre personnage, 2) entre l'homme et la société, 3)entre l'homme et la nature, 4) conflit l'homme contre technologie, 5) conflit homme contre soi, 6) conflit homme contre surnaturel. 

1) Personnage contre personnage est un conflit dans lequel 2 personnages sont opposés l'un à l'autre dans une bataille , au sens propre ou figuré. Comme le lecteur , le personnage fictif est souvent en conflit , ce qui crée des rebondissements, mais c'est aussi ce qui le pousse à évoluer.  Le conflit est important car il déclenche et fait avancer l'histoire. 

Pour le conflit intérieur, le déroulement permet au protagoniste d'évoluer la plupart du temps psychologiquement. Le "héros" de l'histoire peut soit affronter ce conflit et réussir à le dépasser soit il n'y arrive pas et alors il  n'est pas capable d'affronter son mal et devient fou et s'isole.

 Le résumé et l'analyse du roman : La papeterie de Tsubaki 

 

Ogawa Ito est une écrivaine japonaise appréciée par les lecteurs français; elle est née en 1973 à Yamagata.  Plusieurs de ses romans ont été traduits en français: Le restaurant de l'amour retrouvé 2008; Le ruban 2014;  Le jardin arc-en-ciel 2016; La papeterie Tsubaki 2016;    La République du bonheur 2017.

 

 Ce livre parle d'une petite orpheline, Hakoto, qui vit avec sa grand-mère à Kamakura, au Japon. La grand-mère surnommée l'Aînée est  propriètaire de la papeterie Tsubaki où elle exerce , de plus, le métier d'écrivain public. Elle a une soeur jumelle , Tante Sushiko.

Très tôt, Hakoto commence à apprendre la calligraphie, avec sa mamie qui est très exigeante, dure et peu amène. La fillette est soumise, obéissante, une élève studieuse, mais elle souffre car il lui manque  la tendresse et le temps pour jouer. 

La colère, les interrogations grondent en elle ,depuis sa naissance. Et, un jour de sa deuxième année de lycée, Hakoto explose contre l'Aînée: "Tu m'emmerdes, la vieille, ta gueule! Arrête de m'imposer ta façon de vivre! Un écrivain public, de nos jours? Non , mais je rêve! ". Son mécontentement inexprimé s'est transformé en conflit ouvert ! Ce conflit est l'élément perturbateur qui déclenche l'histoire, les péripéties. 

A compter de ce jour, Hakoto tourne mal: elle replie sa jupe d'uniforme à la taille pour la raccourcir au maximum; elle teint ses cheveux; elle se fait percer les oreilles.  Elle, sage et insignifiante jusqu'alors, se métamorphose et se précipite dans la voie des GANGURO.  L'Aînée lui avait volé sa jeunesse. Elle voulait rattraper le temps perdu; elle voulait mettre les vêtements qui lui plaisaient , se maquiller.

Après le bac elle intègre une école de design et dit adieu au style ganguro. Malade, la grand mère décède, sans revoir sa petite fille. Alors Hakoto lâche tout pour fuir à l'étranger où, c'est , finalement, son talent de calligraphe qui la sauve. Et puis quand la Tante Sushiko meurt, elle aussi, Hakoto, agée de 25 ans maintenant,  un beau jour d' été, rentre pour reprendre la papeterie de sa  grand-mère et devient écrivain public comme elle. 

 Durant une année , de l'été jusqu'au printemps, elle reçoit des commandes d'une galerie de personnages dont on découvre l'histoire. Hakoto procède à un rituel: elle  fait d'abord, asseoir ses clients, leur offre du thé et les fait parler pour comprendre le contexte de la lettre et l'état d'âme de la personne. Ensuite, elle choisit la calligraphie, le papier, l'encre, le stylo, la plume, l'enveloppe, le timbre adéquats au message . Et enfin elle se met dans la peau du client pour écrire. Qu'est-ce qu'elle écrit?

Elle  écrit des cartes commandées par la patronne de la poissonnerie; une lettre de condoléances ;un faire part de divorce ; une lettre banale à une amie d'enfance, commandée par un monsieur. Un jour , elle aide une institutrice, Panty, à récupérer une lettre postée. Un monsieur, surnommé le Baron lui demande d'écrire une lettre pour refuser une demande de prêt. Un autre jour elle refuse d'écrire une lettre pour un éditeur qui voulait commander un texte à un critique. L'éditeur n'avait qu'à changer de métier s'il ne pouvait pas écrire seul sa lettre!

Une jeune femme lui demande d'écrire une carte d'anniversaire pour sa belle mère. Tout le mois de décembre elle écrit beaucoup de cartes de voeux. Un homme grave lui demande d'écrire une lettre adressée du Paradis par son père à sa mère malade.  Hakoto écrit, une lettre à QP , une fille de 5 ans , son amie épistolaire.  Une femme lui demande d'écrire une lettre de rupture avec son amie. Une ancienne collègue lui commande une lettre de rupture avec son maître de thé. 

Hakoto travaille seule et petit à petit se fait des relations : madame Barbara la voisine, une institutrice Panty du quartier, un client,le Baron dont l'épouse lui avait donné la tétée,  QP, une fillette de 5 ans et son père veuf. Elle s'entoure de ce groupe de gens doux, qui cherchent à lui faire plaisir et à lui rendre service et avec qui elle sort au restaurant, se promène ou fait la fête. 

 Finalement, la calligraphie est pour Hakoto un moyen de sonder les profondeurs de l'âme humaine. Son métier d'écrivain public, avec les rencontres qu'il occasionne la pousse à l'introspection , à se questionner constamment, sur son passé et sur sa relation houleuse avec l'Aînée. Au fil des pages , Hakoto se rapproche de sa mamie, découvre ce qui se cachait derrière une façade dure.

Un jour elle reçoit l'étonnante visite d'un jeune italien qui lui apporte les 103 lettres que l'Aînée avait écrites à sa mère . En les lisant, Hakoto comprend que sa mamie l'avait aimée éperdument: "Ma petite fille me supplie d'arrêter de lui voler sa vie? J'ai toujours cru agir dans son intérêt. Je ne sais plus comment me comporter avec elle. La sévérité est une preuve d'affection. Quand je pense qu'elle a souffert toutes ces années, cela me rend profondément malheureuse. Arriverons -nous à nous entendre un jour? Pardon de n'avoir parlé que de cela. Mais je n'ai personne d'autre à qui me confier. Aujourd'hui vivre m'était insupportable. Ecrire m'a un peu apaisée. Merci d'être toujours là pour moi. "

Et sa dernière lettre: "Chère amie, cette lettre sera peut-être la dernière. [...] J'ai été incapable d'avoir de bonnes relations avec ma fille puis avec ma petite fille, c'est incroyable. C'est sans doute moi le problème. Je ne me sentais pas coupable jusqu'à ce que Hatoko se rebelle. J'aimerais m'excuser, mais je ne sais pas où elle est. J'aimerais lui rendre sa liberté. La vie ne va vraiment pas comme on l'entend. Je n'ai rien réussi. Une vie, ca passe vite. C'est si bref! Vous êtes mon unique amie. Votre présence m'a si souvent soutenue. Se montrer sans fard c'est difficile! C'est avec vous , que je n'ai jamais vue, que j'arrive à m'exprimer avec le plus de franchise. Merci pour votre longue amitié." 

Sans doute la grand mère n'avait que sa sévérité pour exprimer son amour mais cela a laissé des traces indélébiles dans le coeur de la fillette. Malgé cela Hakoto prend le stylo que l'Aînée lui avait offert et lui écrit une lettre posthume  de réconciliation: " Chère mamie, Tu as écris de nombreuses lettres à ton amie d'Italie. Tu lui parlais de moi. Tu pensais sans cesse à moi. Tu t'interrogeais, tu souffrais, tu avais du chagrin. Tu n'as cessé de t'interroger, de souffrir, d'avoir du chagrin. Sous le masque de l'Aînée, tu livrais, contre la vie, la même bataille que moi, mais mon manque d'expérience m'empêchait d'imaginer en toi une femme désespérée. "

Cette lettre résout le conflit entre la fille et sa mamie et montre que l'écrit a le pouvoir de réparer les âmes. Et pourtant " on n'échappe pas aux regrets. J'aurais dû faire ceci, je n'aurais pas dû faire cela. Enfin plutôt que de rechercher ce qu'on a perdu, mieux vaut prendre soin de ce qui nous reste. "

 Ce roman délicat qui nous touche le   coeur,  est un sublime  hommage  à l'art d'écrire,  à la calligraphie et à la correspondance épistolaire.  Il nous plonge dans l'art de vivre à la japonaise: la gastronomie, la nature, les visites aux différents sanctuaires de la ville, l'écriture et l'art de la calligraphie. 

 Conclusion 

1) De quoi parle ce roman? Il raconte l'histoire d'une orpheline.

2) Dans quel but? L'auteur veut nous montrer que  les êtres humains ne savent pas assez communiquer entre eux et ne savent pas aimer autrui. La communication entre générations différentes est encore plus difficile! 

3) Quels sont les effets que cherchent l'auteur à produire sur son lecteur? L'auteur cherche à nous émouvoir et à nous faire réfléchir sur le pouvoir qu' a l'écriture à réparer les blessures de l'âme.

On découvre en filigrane toutes dimensions du protagoniste:  physique, affective, intellectuelle, sociale, spirituelle.

- la dimension physique  L' auteur décrit avec gourmandise les petits  plats que l'héroïne partage avec sa voisine, ses amis  ou qu'elle déguste au restaurant . 

-la dimension affective est centrale   L'auteur sait décrire les sentiments et réussit à nous toucher le coeur jusqu'aux larmes.

-la dimension intellectuelle    Hakoto est écrivain public et les magnifiques lettres qu'elle écrit pour ses clients sont intégrées dans le livre. On apprend beaucoup sur la calligraphie et sur l'art épistolaire au Japon.

-la dimension sociale  Hakoto est solitaire et petit à petit , elle se fait des relations. Ce livre est l'expression d'une certaine forme de convivialité. L'auteur met en scène des gens doux, à l'écoute des autres, qui cherchent à faire plaisir et à rendre service. C'est une façon de démontrer qu'on peut mener une vie agréable en respectant et écoutant les autres. 

-la dimension spirituelle  Hakoto fréqente les sanctuaires et pratique les rites religieux .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6 janvier 2024

Les caractéristiques du récit

 

recit4

 

 

Lecteur,  mon semblable, mon frère! Désireux de t'instruire pour acquérir l'intelligence et trouver la sagesse. 

 

Sachez que la tradition littéraire compte 4 genres canoniques:

-la poésie

-la pièce de théâtre

-le récit

-l'essai ( ouvrage argumrntatif ou un auteur défend son point de vue)

 

 Les composantes du récit

 

  Un RECIT  est une histoire réelle ou fictive racontée par un narrateur. L'épopée, le mythe, le conte, le roman, la nouvelle, le récit d'aventure, le recit policier ce sont des exemples de récits.

 

* L' AUTEUR  est la personne réelle qui écrit le récit. Ainsi Maupassant est un auteur ; il a écrit parmi d'autres histoires,  l'émouvante nouvelle: Aux champs. Dans cette nouvelle Maupassant souligne l'importance de l'instruction des enfants. L'instruction est importante pour tous les âges; l'instruction est la vie! 

C'est l'auteur qui invente:

-le *CADRE (lieu, l'époque)  de l'histoire

- les *PERSONNAGES   

Un personnage est construit comme une personne: il est doté d'un nom, d'une apparence, un caractère, de paroles, de pensées, d' actions qui vont permettre au lecteur de se le représenter.

- l' *INTRIGUE de HISTOIRE qu'ils vont vivre . Les relations qui se tissent entre différents personnges créent l'intrigue. L'intrigue est l'enchaînement de péripéties qui partent d'un incident (élément perturbateur) , venu modifier la situation initiale des personnages. 

- le *NARRATEUR,  personnage qui :

-raconte l'histoire (les ACTIONS des personnages),

-qui rapporte leurs  PAROLES  ( sous forme de DD, DI, DIL) , 

-qui DECRIT les personnages , les lieux.

 

 Il existe 2 situations:

-soit le narrateur est un personnage du récit et le récit est alors raconté à la 1er personne

-soit le narrateur est extérieur à l'histoire et le récit est raconté à la 3e personne 

Obs. Le narrateur peut également manifester sa présence par des commentaires sur l'histoire.

 

 Le narrateur structure le récit en utilisant un SCHEMA NARRATIF : la situation initiale, l'élément perturbateur, les péripéties, l'élément de résolution et la situation finale.

L'histoire peut suivre un ordre chronologique ou procéder à des retours en arrière et à des anticipations. 

Le  RYTHME de l'histoire  s'accélère si des épisodes sont résumés (le sommaire) ou sautés (l'ellipse), il  ralentit lorsqu'il  y a des dialogues ou des descriptions. 

 

  Dans le récit le narrateur donne un POINT DE VUE sur l'histoire:

-point de vue interne : le narrateur voit le récit à travers les yeux d'un personnage; il ne sait que ce que sait le personnage.

-point de vue externe : le narrateur agit comme le témoin d'une scène; il raconte ce à quoi il assiste.

-le point de vue omniscient: le narrateur sait tout sur les personnages : leurs pensées, leur passé, leur futur.

 

Le récit est au passé .

 Les TEMPS DU RECIT sont:

-l'imparfait( pour les descriptions)

-le passé simple( pour exprimer l'élément perturbateur et les actions )

-le présent de narration, utilisé pour donner l'impression au lecteur de voir la scène sous ses yeux.

 

Alors, lecteur lorsque vous lisez un récit, repérez le narrateur qui raconte l'histoire, le temps, l'époque, les personnages; et puis les descriptions( des lieux, personnages), les paroles des personnages, leurs actions. Et puis posez-vous les questions suivantes:

-de quoi parle-t-on dans cette histoire?

-dans quel but?

-quels sont les effets que cherche l'auteur à produire sur le lecteur?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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